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Cecco d'Ascoli: L'Acerba
(Livre II)

traduction et commentaire Marie-Claude Ramain


Acerba II. 1

DE LA FORTUNE

707-
Je reviens sur l'argument des vers précédents
et je dis que tout ce qui est créé sous le ciel,
dépend de la puissance de ses sphères.
Celui qui meut l'ensemble, gouverne tout et pour toujours
et dicte à chaque ciel sa loi de commencement et de fin,
de mouvement et de fixité.

713-
La puissance d'origine éternelle transforme
les cieux en organes divins ;
en resplendissant en eux, elle les comble de gloire.
Ils se meuvent à la manière d'un désir amoureux,
ainsi le monde est-il réglé
par ces admirables lumières immaculées.

719-
En se déplaçant, aucun ne crée d'obligation
mais, par sa qualité, dispose plutôt l'être humain au bien
que l'âme, en suivant son libre arbitre,
abandonne, se faisant vile,
servile, voleuse et sans vertu ;
elle se dépouille ainsi elle-même de sa noble enveloppe.

725-
En cela tu as péché, poète florentin,
en affirmant que les biens procurés par la fortune
sont assignés par fatalité.
Il n'est pas de fortune que la raison ne puisse vaincre .
Maintenant, Dante, réfléchis, ne peut-on donner
preuve plus convaincante que celle-ci.

731-
La fortune n'est rien d'autre que la disposition
du ciel qui déplace l'être vivant,
laquelle en se déplaçant, se retrouve à l'opposé.
Il n'en résulte pas nécessairement quelque chose de bien.
La fortune ne peut rien sur l'âme
créée libre, si celle-ci s'y oppose.

737-
La substance incorporelle ne reçoit rien
de ces cieux, cependant, l'intellect
ne doit jamais être soumis à la fortune.
Si je suis né sous une bonne et heureuse disposition d'étoile,
et que je doive en subir les effets bénéfiques,
je ne peux pas ne pas le vouloir et m'y soustraire.

743-
Mais l'âme dispose de sa volonté à son gré,
le libre arbitre lui confère son mérite
et il ne peut venir à lui manquer.
Or, si la fortune pouvait ainsi dépouiller l'âme,
Dieu serait reconnu injuste
car par un autre pouvoir il infligerait la douleur.

749-
Celui qui ne fait pas d'effort ne mérite pas un sort agréable,
le bien parfait ne s'acquiert pas sans peine :
que soit heureux celui qui pratique la vertu.
Mais quiconque attend le bien inévitablement
apporté par la fortune,
la paresse le conduit à la pauvreté.

755-
La raison augmente la fortune
et les effets n'en sont que plus heureux
lorsque la volonté guide la nature ;
toute plante naît par un mouvement naturel
mais en ne la cultivant pas, elle ne fait jamais
de fruits parfaits au cours du temps :ceci est bien connu.

761-
Ainsi, contre un sort contraire, la belle âme
se soustrait-elle à la mort que lui inflige la chair impie,
si elle résiste au mal et s'y montre rebelle.
La disposition naturelle se brise accidentellement
sans que le sujet ne se sépare de son être :
rappelle-toi de l'aimant trempé dans l'huile,

767-
Qui n'attire pas le fer, le temps que
l'humidité qu'il retient en lui n'est pas asséchée.
Ainsi se comporte l'âme : lorsqu'elle est maîtresse d'elle-même,
elle détruit les dispositions perverses
de sorte que l'homme ne fait pas le mal
et conduit sa vie dévoyée vers le bien.
Contre la fortune, tout homme peut agir
en suivant les conseils de sa raison.
 

Acerba II. 2

DE LA NAISSANCE DE L'HOMME ET DE L'INFLUENCE DES CIEUX

775-
Dieu fit les cieux et le monde terrestre
par amour de l'être humain
lui donnant figure divine
afin qu'il soit digne de ressembler à son image
et le plaçant au centre de l'univers
où il se damne ou se fait bienheureux.

781-
Le mouvement de ces sphères bénites
forme la semence humaine :
la puissance de toutes est ici nécessaire.
Dans le foetus, le coeur se forme en premier :
avant lui, le lieu clos où il se trouve, met en place deux autres organes,
mais c'est dans le coeur que l'âme se nourrit.

787-
L'âme, déposée par le père
sous l'action des étoiles ardentes de la constellation du Lion,
se déplace souvent pour fabriquer les organes.
De là naît l'esprit animal
et naturel de sa perfection qui s'exercera
lors de la formation de ses premières ailes.

793-
Les douze parties de la huitième sphère
sont responsables de la formation de nos organes,
chacune jouant un rôle particulier dans leur création ;
en eux, elles font les qualités et les défauts ;
sous l'action de la vertu divine, chacune
par l'action de sa lumière, se souvient de son rôle.

799-
Lorsque tu vois ces boiteux aux jambes torses
ou ceux qui ont les fémurs arqués,
c'est que le signe dont dépend cette partie du corps fut cruel.
Le défaut corporel rend l'âme laide ;
et je dis qu'en accentuant leur infirmité première,
ils sont fiers de leur mauvais sort.

805-
Grâce à la double semence, les os revêtus de chair
se transforment en corps humain,
cela est dû au trop plein de l'organisme sain.
L'âme du père, agissant toujours dans le sperme,
forme les organes
et raffermit par son pouvoir les parties molles.

811-
L'enfant se nourrit du superflu qui vient
de la femme mais non par la bouche,
ceci est démontré depuis longtemps.
Ce qui le nourrit passe par le cordon ombilical
Il est lié de telle sorte que ce ver le touche.
Maintenant écoute comment il se tient replié dans le corps.

817-
Il a les genoux repliés et le dos voûté,
comme je pus le voir, il porte ses mains à ses joues,
entre ses cuisses et appuyées sur ses talons ;
ses épaules sont tournées vers nous.
Ainsi la nature lui permet de capter les mouvements,
et pour plus de sécurité, il a les membres regroupés.

823-
Durant cette période, la femme ne laisse pas de traces sur le miroir
car son surplus est partagé :
une partie sert à la nourrir et à remplacer l'ancien,
la nature envoie l'autre partie à sa mamelle
par les deux veines qui en sont les conduits,
et le temps venu, elle se transforme en liquide blanc.

829-
La mère possède sept réceptacles,
un pour chaque planète, ainsi sept enfants
peuvent-ils naître comme je le vis à Leta.
C'est dû à l'abondance des semences
Et aux signes doubles
Dont les lumières se fondent ensemble.

835-
Au neuvième mois l'enfant vient à la lumière
grâce à la vertu qui régit Jupiter.
Je vais te montrer pourquoi il peut vivre dès le septième mois :
C'est la Lune qui règne sur ce mois-là,
et sa bienveillance inonde le nouveau-né
tout en fortifiant sa nature.

841-
Mais, celui qui naît le huitième mois meurt,
car règne la triste étoile qui retire l'âme
du coeur par sa froideur .
Chaque planète influence un mois
jusqu'à ce que le nouveau-né voit le jour,
ainsi en est-il de l'ordre de la nature en ce domaine.

847-
Dès la conception, [la matrice de] la mère se referme
si bien qu'une pointe d'aiguille ne pourrait y pénétrer.
Ainsi Saturne lui impose-t-elle sa vertu ;
Mais elle peut cependant se rouvrir sous l'effet d'un nouveau désir
comme il advint à la Lise du Lac
qui en ma présence fit deux enfants,

853-
l'un au neuvième mois et l'autre au dixième ;
celui-ci fut conçu pendant le temps [où sa matrice était] fermée
lorsqu'elle satisfît son envie.
Quand le désir amoureux échauffe la femme,
sous l'effet du désir intense d'union charnelle,
le foetus déjà créé se dédouble.

859-
Si la semence de la femme est dominée,
le nouveau-né ressemble à son père,
ainsi naissent les mâles d'une famille.
On a l'effet opposé
Lorsque les parents sont privés d'enfants
Car les deux semences sont détruites pas le ciel.

865-
Lorsque la femme amoureuse
porte l'image de l'homme cachée en son âme,
sa pensée intense crée un visage identique.
Un même ciel donne un même aspect :
si la nature ne perd pas son pouvoir,
l'image en est la cause et se transforme en fait.

871-
L'étoile qui tarde donne la mémoire
à celui qui est conçu ; c'est Jupiter qui le fait grandir,
Mercure lui procure la raison
Mars lui donne fougue et colère
le troisième ciel y ajoute le désir
le Soleil lui insuffle le premier souffle.

877-
La Lune met en place les fonctions naturelles,
chaque planète avec les huit lumières
régit le monde de ses rayons.
Avec le temps, chaque créature se dégrade,
les actions humaines passent telles des fumées,
Il y a celui qui s'en va tard et celui qui s'en va à son heure.

883-
Tu vois bien, comment par le mouvement
de ces cieux, un nouveau-né se forme
à la vie humaine : cela tu ne me le caches pas.
Maintenant, il faut par des signes sûrs
que tu vois le jugement de la pensée.
Quand nos yeux seront experts
notre discours portera sur les saintes dames
en les définissant, en donnant leur pourquoi,
leur comment et leur nombre.
 

Acerba II. 3

DE QUELQUES UNS DES SIGNES DE LA PHYSIONOMIE

893-
La qualité du coeur se voit à l'aspect physique.
L'amour fait naître quelques larmes,
exhaler un soupir et regarder avec pitié.
Voici les signes d'un véritable amour :
changer de visage en accomplissant des actes humbles,
peu parler et avoir un doux regard.

899-
Les cheveux crépus et le front large
associés à de tous petits yeux renfoncés
sont liés à la mémoire et au raisonnement ;
chez une âme fière qui regarde
le moindre détail, ils sont cause de dédain
et cette âme se montre ainsi privée d'humilité.

905-
Ne te fie pas aux sourcils qui se rejoignent
ni à ceux qui sont fournis si l'éclat de leur yeux brille :
garde-toi de te faire attraper par celui qui en est pourvu.
C'est un impie, à l'âme fausse, voleuse et félonne
il conduit sa vie avec son beau parler,
ce loup rapace au visage d'agneau.

911-
Jamais il n'y eut un loucheur à l'âme parfaite,
qui ne portât le masque de la malice
en suivant toujours la secte orgueilleuse.
Les yeux gros et proéminents ,
Les yeux rapides dont les cils ne battent pas
sont ceux de fous, de faux et sans pitié.

917-
Celui qui possède la forme impie du nez aquilin
désire vivre du bien d'autrui
jusqu'à en provoquer la mort cruelle.
Il est magnanime, sans pitié,
toujours surexcité et sans égard pour personne,
il vit comme une bête féroce, privé de sentiments humains.

923-
Tous ceux qui ont le nez en pied de marmite
ou le nez mince, ont des propensions à la luxure
et je dirais même plus les seconds que les premiers ;
qui l'a mince, pointu à l'extrémité
ou épaté au bout arrondi
est sujet à la colère : le premier tel un jeune chien.

929-
L'autre est magnanime et d'allure grave.
Celui qui a les narines larges est orgueilleux,
celui aux larges oreilles est semblable à une bête.
Il en va de même de celui qui a de grosses lèvres.
Selon notre science, qui les a minces
et d'une grande beauté, sera magnanime.

935-
Celui qui a peu de dents se montre audacieux.
La concupiscence se lit sur le visage charnu
de qui a très peur de tout petits riens.
Quiconque a l'aspect maigre
embrasse la sollicitude,
et ne l'abandonne pas, comme s'il s'agissait d'une chose sacrée.

941-
Tu peux t'apercevoir facilement que celui
qui est corpulent est aussi lent dans ses mouvements.
Tiens à distance qui a un visage fin
car il n'y en eu rarement de libéral
et il se fait timide si tu le regardes en face,
mais jamais il n'y eu au monde animal si étrange.

947-
Un visage dolent couvert de taches de rousseur,
qui paraît ravi dans la contemplation du ciel bienheureux
aime faire du mal aux autres.
Gracque habillé de pourpre n'en fit jamais autant
que celui-ci n'en fait par ses actes ;
si Judas revenait, il ne le surpasserait pas.

953-
La sagesses d'Apollon ne suffirait pas
à comprendre les paroles sans normes
et sans règles, pleines de sombre malice,
des hommes au cou court ;
par nature, malins comme des loups,
dont les hurlements sèment la discorde dans leur quartier.

959-
Un gros cou est signe de force,
fin et long, il rend l'homme timide
et faible comme un bois fin.
Le grand cou, pas trop gros,
se montre magnanime et tu comprends pourquoi
je ne puis te dire ici ce que je pense.

965-
L'homme qui marche courbé en regardant à terre
est soit avare soit de peu d'intelligence.
Il me faut maintenant quitter le chemin
des signes corporels et t'expliquer
comment je comprends tout ce qu'ici j'ai exposé
et comment j'utilise cette connaissance.

971-
Il faut refuser le jugement résultant
d'un savoir basé sur une loi écrite,
qui exclut l'observation directe ;
à vouloir juger un fait sur un simple coup d'oeil,
la conclusion s'éloigne de la vérité
et il n'y a plus de pacte avec la raison.
Ne juge pas si tu n'as pas tout pris en compte ;
si tu crois cela, tu ne te tromperas pas.
 

Acerba II. 4

DE LA DÉFINITION GÉNÉRALE DE LA VERTU

979-
La vertu s'acquiert par le rayonnement des étoiles ;
je ne dis pas que cela nous soit inné,
mais que cela prépare la belle âme
à exercer le bien vertueux.
Grâce à sa raison, en fuyant le mal impie,
l'homme ainsi préparé transforme sa capacité en action.

985-
Si grâce à la nature, la vertu était
pareille à la gravité de la terre,
qui par sa nature ne bouge jamais,
en chaque instant de sa vie, l'homme serait heureux
à condition qu'il laisse son esprit suivre cette nature
et qu'il ne l'habitue pas à aller en sens opposé.

991-
Rendue apte et prédisposée
par ces cieux, l'âme choisit le bien parfait,
et plus légère elle se rapproche de la vertu,
ce n'est pas que chacun ne puisse suivre
de sa propre volonté le chemin de la vertu,
mais, si elle n'est pas prédisposée, elle peut s'affaiblir.

997-
Donc, la vertu est une habitude choisie
qui se tient entre deux extrêmes
d'où naît le bien réel.
Et ce qui va à l'encontre en délaissant le juste milieu
opprime toujours l'une des parties ;
à cause de cela, on se prive de tout l'heureux bien.

1003-
Cette racine aux saintes ramifications
a été jadis incorporée à la lignée [humaine],
lorsque l'homme allait par les droits chemins.
Mais avec le temps, les coutumes ont changé
en se transmettant de personne à personne, si bien que la vertu
diminue dans ce monde aveugle aux lumières éteintes.

1009-
C'est comme l'échelle que notre poids
gravit jusqu'en haut de tous les cieux
pour y contempler l'éternelle beauté.
Mais le vice qui, de ses flèches acérées,
détruit tout ce qui est bien dans notre monde
nous fait perdre l'une et l'autre paix.

1015-
Le tout se subdivise en parties :
c'est la vertu que je viens de définir
qui les commande toutes.
Il faut que je parle d'abord de la juste dame
puis des autres [vertus] de notre vie ;
pour mieux comprendre, mets ton esprit en sommeil
et contemple l'aspect de celle
qui plaît tant à mes yeux.
 

Acerba II. 5

DE LA JUSTICE

1023-
Ô sainte guide des autres dames,
tes balances à la lame nue
sont les colonnes parfaites du monde.
Ô terre désolée, ô terre prédisposée aux malheurs,
qui te regarde et refuse ta beauté
ne guérira jamais de sa triste plaie.

1029-
la discorde, la pauvreté et la faim viendront,
le sang pleuvra sur les champs et les herbes,
le ciel semblera réclamer vengeance.
Les justes seront opprimés par des tyrans,
inondant leur visage de lames amères
sous l'effet de la tristesse des douleurs impies.

1035-
A cause de cela, nous voyons les villes désertes,
aux murailles rasées à l'ombre des bosquets,
mais il y eut un temps où elles étaient bien dressées.
Elles n'ont pas été fondées sur la juste pierre,
comme Pistoie en terre toscane ;
il en naîtra une peste et son carquois.

1041-
Pour cette raison, portez un jugement juste
ô vous qui utilisez les écrits de César Auguste,
que la peine du prochain soit un exemple pour tous.
Ne provoquez pas la colère des hautes sphères
en trempant votre main dans le sang du juste,
car il retombe brûlant sur nos enfants.

1047-
Les péchés des pères et la corruption
amère des temps passés,
transmettent les plaies aux descendants innocents.
Mais les yeux aveugles ne voient pas le résultat
poussés par le seul désir de leur injuste volonté,
et ne prêtant pas attention aux choses divines.

1053-
Pour chaque péché il y a une peine précise,
et elle est d'autant plus lourde qu'elle tarde à venir.
Malheureux, qui nous pousse à agir contre la vertu ?
pas autre chose qu'un trop grand désir
qui attriste la nature humaine
au moment où elle sent la morsure de sa douceur.

1059-
Juger à l'aide d'écrits impies
qui font pleurer les yeux innocents
et réduisent les orphelins à la pauvreté,
fait tomber du ciel un juste châtiment
et justifie la présence de gens au lourd harnachement ;
quiconque étant attaché à la vertu se met alors en marche

1065-
Pour les orphelins, les veuves et les pupilles
qui invoquent dieu de leurs pleurs amers,
en s'arrachant les cheveux de leurs propres mains,
ainsi, comme c'est justice, ces gens prennent leurs arbalètes
[en les voyant] seuls et si affligés se regroupant
comme des colombes dans leurs niches.

1071-
Ô vous qui avez une fastueuse milice
et qui avez sur terre un comportement impie,
vous infligez une nouvelle blessure au crucifix.
Ne libérez pas qui mérite la mort,
faites-vous en ce monde une âme vertueuse
afin qu'elle ne pleure pas pendant la vie éternelle.

1077-
Cette vertu vient du quatrième ciel
et comme le soleil illumine l'horizon
ainsi fait-elle avec un juste zèle,
elle illumine le monde en donnant à chacun ce qu'il mérite,
en vengeant la honte par la peine ;
c'est grâce à elle si le monde n'est pas désert.

1083-
Selon moi, la justice n'est pas autre chose
que la distribution à chacun de son dû
avec une volonté ferme et constante.
Juste est celui qui vit honnêtement,
qui n'offense ni ne blesse autrui,
et qui donne à chacun selon son mérite propre ;
celui-ci porte les rameaux d'olivier du triomphe
et vit toujours dans la paix éternelle.
 

Acerba II. 6

DE LA FORCE

1091-
Ô Colonna, ô fils de Mars,
de votre main armée vous touchez le ciel
qui toujours en résonnera de toute part.
Le coup d'épée imprévu et le cri du lys,
maintiendra toujours sur le territoire romain
vos ennemis le bec au nid.

1097-
De génération en génération, cependant, la troisième feuille
de votre colonne sera crucifiée,
le ciel retournant à sa première souffrance.
Pourtant, lorsqu'elle repassera des ténèbres à la lumière,
elle ne perdra pas la gloire de son nom :
ce n'est pas ici l'endroit de vous dire comment.

1103-
Ô représentants de la dame forte,
fermes et constants en ces temps pervers,
votre colonne se dresse sans crainte,
et atteindra ainsi le digne mérite
en ouvrant le ciel avec les clefs de la justice.
Je ne peux vous dire avec certitude ce qui se passera ni quand.

1109-
La force humaine vient de Mars
lorsqu'il montre sa lumière clémente
et s'installe dans la région du Bélier.
L'homme bien disposé par la suprême lumière
se tourne facilement vers le bien
si le comportement paternelle ne le gâte pas,

1115-
Car la nature vile du père
qui passe naturellement dans le fils,
se soustrait à l'influence supérieure.
Suppose que deux enfants naissent en même temps :
sous un même ciel et sous un même angle,
l'un est noble, l'autre est de souche vile ;

1121-
Le ciel montre que chacun
devrait avoir la couronne de la dignité ;
à mon avis, cela sera vrai
s'il est né de l'excellent roi Robert
car le ciel qui l'a recouvert [à sa naissance]
le pousse avec force à atteindre la noblesse ;

1127-
L'autre sera, sur sa descendance,
comme un roi au sein d'une famille plébéienne,
car le ciel ne peut pas élever davantage son courage.
Une chose établie trouve de l'aide dans le ciel.
Si tu te souviens des différents effets,
l'eau sale s'évapore et se fait boue.

1133-
Il n'y a pas d'autres définitions de la force
qu'une âme constante qui n'a pas peur
en chaque circonstance défavorable de la vie.
Le courage forcé n'est pas vertu
en face du visage de la mort,
si la défense de l'âme est abandonnée.

1139-
Pour moi, fuir lorsque cela est nécessaire
dans le seul but d'éviter une mort cruelle
relève d'un plus grand courage que de rester.
C'est toujours montrer de la force que de craindre la justice ;
mais à mon avis, je dis que quiconque
veut abandonner la vie, ne fait pas preuve de force.

1145-
Cependant, je tiens pour vertueuse la force
à laquelle l'homme s'abandonne pour trois raison
qui rendent la vie honorable en ce monde :
premièrement pour ne pas être déshonoré
dans ses biens puis dans sa personne
et enfin pour conserver l'honneur de son pays.
Mais mes yeux se sont bien aperçus
que ces personnes fortes sont rares en ce monde.
 

Acerba II. 7

DE LA PRUDENCE

1153-
Là où l'intelligence est faible, il n'y a pas de vertu.
Maintenant mon âme fuit les pensées viles
car seul est grand celui qu'elles en rendent digne.
La Prudence, dis-je, ou le discernement
n'est pas autre chose, selon nous,
que de discerner le bien du mal à l'aide de la raison.

1159-
Le souvenir du temps passé
et la prévision de celui à venir
maintient l'homme dans l'état de félicité.
Ils sont à la source du savoir
qui fait finir sereinement la vie
lorsque l'esprit se nourrit de son amour.

1165-
Cette nature belle et vertueuse
s'enracine dans la plante humaine
lorsque la seconde étoile la gouverne.
Elle est la lumière du savoir humain
qui donne tant de connaissance à l'âme
qu'elle arrache l'humanité à ses vaines pensées.

1171-
Le savoir vaut plus qu'un trésor ;
là où est le savoir, la richesse ne manque pas
si l'âme ne s'obstine pas dans son erreur.
Je n'ai jamais vu périr quelqu'un de vertueux,
mais au contraire il est repoussé par les difficultés contraires ;
il convient de s'élever là où est la vertu.

1177-
Celui qui s'est donné au savoir ne peut mourir
ni vivre dans la pauvreté, ni manquer,
ni pouvoir être atteint par le sort.
Mais celui qui méprise continuellement le savoir
perd cette vie et celle de l'autre monde
en gaspillant le temps de ses jeunes années.
Plus celui qui perd son temps et n'acquiert pas la vertu
y pense et plus son âme s'attriste.
 

Acerba II. 8

DE LA TEMPÉRANCE

1185-
Ô mère belle, ô terre ascolane,
tu fus fondée dans le double cercle
si bien que tu as changé la nature de tes habitants ;
le cruel parti des nouveaux dirigeants
t'a ainsi conduite à l'excès de vice :
que maintenant te conduise celui qui régit tout !

1191-
Tes fils sont hautains, renfermés
mais timides en présence d'étrangers,
pourtant ils ne sont envieux qu'entre eux.
Ô ascolans, hommes inconstants,
revenez aux belles actions d'éclat
en prenant exemple sur mes premiers chants.

1197-
Car les cieux vous ont bien prédisposés
mais vous ne suivez pas le bien naturel
de l'agréable site où vous êtes nés.
Parmi les vertus, vous devriez rester
sous les ailes de la seule tempérance
mais vous ne le pouvez pas car le vice s'étend.

1203-
La tempérance est la maîtrise de soi,
elle freine les mouvements naturels
lorsque l'âme est attirée vers le mal.
Cette douce vertu vient de Jupiter
et elle pénètre plus ou moins en l'homme
selon ses bienheureuses blessures.

1209-
Mais qui retient son penchant naturel
au vice, qui lui vient de sa nature,
souffrira de toute part.
Ô comme il est beau, ô comme il est noble
l'esprit qui va vers le bien
lorsqu'il se domine dans la vile douleur !

1215-
Qui ne peut se dominer, ne dominera pas autrui,
car sa valeur vient de lui-même :
j'ai toujours été de cet avis.
Mais qui peut se dominer selon ces sept préceptes
a bien compris les fondements de l'amour divin :
je vais te dire lesquels si tu m'entends et me comprends.

1221-
Si l'homme est chaste pendant sa jeunesse,
tu vois l'homme âgé dans l'allégresse,
généreux dans la pauvreté celui qui est sans haine,
modéré celui qui a l'abondance,
humble celui qui est grand,
patient celui qui est dans l'adversité hostile ;

1227-
Ceux qui savent souffrir lorsque les puissants élans
d'un grand désir viennent à l'esprit,
sont éloignés du vice,
sont immaculés et purs
et méprisent le monde affligé.
Accomplissant toujours les actes les plus grands,
la vertu les mène au plus haut des cieux,
laissant les autres dans la peine éternelle.
 

Acerba II. 9

DE LA LIBÉRALITÉ

1235-
Le troisième ciel insuffle aux humains
cette vertu qui honore tant celui qui la possède,
elle lui fut donnée lors de la création.
Vouloir lorsqu'on peut est une belle chose :
la largesse ne vaut que lorsque tu t'en détaches
et que si tu contemples son gracieux rayon.

1241-
La largesse, c'est donner avec mesure
à qui, quand et comment il convient :
c'est vertu dans cette noble affaire.
Mais l'espoir de ceux qui vont contre ces principes
les conduit à la pauvreté
si la fortune change le sens du mouvement de ses roues.

1247-
Celui qui donne st plus heureux que celui qui reçoit,
je dis que l'homme montre sa vertu
en sachant quand, combien et comment recevoir.
Mais celui pour qui le pourquoi et le comment
ne se justifient pas et qui n'éprouve pas de honte à recevoir,
ne pense plus qu'à [lutter contre] cette vertu, jour et nuit.

1253-
Et vous qui donnez en dépassant la mesure,
souvenez-vous quand vous serez à sec
que le front transpire à demander.
Dans la pauvreté, le savoir est peine
et rend cette vie cruelle plus douloureuse encore.
Celui qui retient le vice est heureux.

1259-
Ô combien d'amis, ô combien de parents
y a-t-il autour de l'homme pendant sa période faste,
lorsque les vents contraires ne soufflent pas :
l'amour dure tant que dure le fruit,
car l'homme est aimé en proportion de ce qu'il peut donner
par ces gens au regard calculateur.

1265-
L'homme ne vaut que par ce qu'il a de vertu,
et il vaut d'autant plus qu'il sait la mettre en valeur.
Ô personnes aveugles à l'esprit muet,
regardez l'armée désolée :
elle est sans honneur si elle n'a pas de pouvoir,
elle est plus heureuse de sa mort que de sa vie.

1271-
Ne gardez pas dans votre vieille bourse
ce que la mesure veut qu'il soit dépensé
car en peu de temps vient le moment où vous le sortirez
en raison de circonstances imprévues et graves.
Qui ne veut pas être outragé par ses dépenses
tient la mesure, serrures ouvertes.

1277-
Cette vertu confère la dignité à chacun
et lui donne grâce en tout lieu.
Plutôt donner que recevoir de quelqu'un ;
plutôt souffrir que se venger :
c'est la charité au doux feu
qui attend l'heure de la paix éternelle
et fait posséder la grâce en ce monde
a celui qui, avec elle, sait se taire.
 

Acerba II. 10

DE L'HUMILITÉ

1285-
Pourquoi le ciel n'entraîne-t-il pas dans l'abîme,
les hommes au faux jugement
qui ont crucifié cette dame ?
Autrefois l'humilité avait l'habitude de régner :
où l'on mène une triste vie,
il semble qu'elle soit disparue de ce monde aveugle.

1291-
Le plus honoré est celui qui peut triompher
en portant de rudes coups à ses voisins
en raison du contraste qui existe entre le blanc et le noir ;
en ce monde Dieu se fit humble,
comme vous le montre son flanc ensanglanté
lorsqu'il racheta l'humanité.

1297-
Celui qui est crée suit son créateur
donc nous devons également la suivre [ l'humilité]
comme une figure digne et bienheureuse ;
car qui s'exalte verra son visage humilié
lorsque des temps incléments lui tomberont dessus.
L'homme insensé se prépare lui-même une peine accrue.

1303-
L'humilité est suivie de la grâce,
et par une connaissance nouvelle
elle fait atteindre le sommet de la vertu,
car de même que les oiseaux plaquent leurs ailes
pour s'élever jusqu'aux points les plus hauts,
ainsi t'entoure-t-elle si le bien te tient à coeur.

1309-
Ne fais pas comme l'affreux rapace
qui de sa situation élevée joue les superbes
mais ne se rappelle pas sa fange première.
Plus hauts sont les sommets, plus dures sont les chutes
et tu as vu l'arrogance humiliée
lorsque le temps procède à des revirements de fortune.

1315-
Chacun doit avoir le coeur humble
devant le créateur de l'éternelle lumière,
la tête courbée devant les vertueux,
avoir une humble écoute au son de la voix
de ceux que la pauvreté afflige,
ainsi qu'il est écrit dans les saintes écritures.

1321-
La Lune souffle sur cette vertu
qui retient les prétentions de la volonté :
à bien la considérer, la véritable humilité
est de toujours se montrer soumis et inférieur,
quand on le doit, devant qui on le doit
s'il n'est pas méprisable pour avoir abandonné les voies de la vertu.

1327-
Le respect que l'on porte aux grands,
l'honneur qui est témoin du mérite,
l'obéissance que l'on rend au seigneur
la gratification donnée à celui qui sait servir,
tout cela provient de l'humilité,
tandis que de son contraire proviennent les angoisses.
Cette vertu qui descend du ciel
rend heureux celui qui l'adopte.
 

Acerba II. 11

DE LA CHASTETÉ, DE LA MODÉRATION ET DE LA MAGNANIMITÉ

1335-
La chasteté, la fermeté, l'abstinence et la mesure
qui font paraître l'âme belle comme le jour,
sont sous l'influence de Saturne.
S'il est immobile en son point culminant,
la grandeur d'âme qui prédispose
le nouveau-né apparaît alors.

1341-
La chasteté est le frein de la raison
et des morsures du vice charnel,
en modérant le tempérament,
en réfrénant la langue, les yeux et le coeur
et en retenant les élans subits
du grand désir né de l'amour.

1347-
Ô combien puissante est la flamme amoureuse
qui provient de la vue d'une belle chose,
de désir alors, tout le coeur s'enflamme !
Si l'amour qui naît de la même étoile
ne corrompt pas l'homme amoureux,
il est bien plus chaste et bien plus heureux.

1353-
La chasteté perd ses racines
par effet de grand gosier
qui s'oppose toujours à l'abstinence.
Les yeux amoureux dont les regards se répondent,
et l'oeil qui tient sa vie pour lui seul,
font tout autant languir et soupirer l'âme.

1359-
C'est une bien grande chose si en conversant
de longs moments avec une femme, ne naît pas le péché:
je dis que c'est comme vouloir ressusciter un mort.
Engage donc la juste bataille
contre le mal et pense à ton état
qui, comme feu de paille, ne durera pas.

1365-
La constance est une vertu qui toujours embellit
et tempère le caractère tout en lui évitant la dureté
car sa ferme volonté ne s'émousse pas,
lorsque la raison montre sa volonté.
Ô combien belle est la fermeté
en amour, c'est la qualité de la douce fidélité.

1371-
Celui qui ne fait que commencer ne verra pas son salut,
mais je dis que celui qui est constant jusqu'au bout
sera bienheureux au plus haut des cieux.
N'aies pas foi en l'homme inconstant
qui ne s'appuie pas sur les vertus divines
d'où sont issues nos saintes actions.

1377-
L'abstinence est le frein et la domination
de la terrible volonté qui naît de la bouche gourmande:
comme vertu, elle s'oppose toujours à cette dernière.
Cette vertu fait grandir le corps
et nous protège alors des maux
qui nous atteindraient d'une peine infinie.

1383-
La mesure convient à toute chose,
en évitant toujours les excès,
cette vertu se tient toujours au milieu.
De toutes les autres dames, elle est le navire
et le guide, bien que restant à sa place,
elle combat cependant les dames dépravées.

1389-
La grandeur d'âme consiste à se dédier
aux actions courageuses de ce monde
toute sa vie jusqu'à sa mort.
N'est pas magnanime celui qui en actes vains,
presque en tremblant semble soutenir un grand poids
et se déplace avec un regard humble.

1395-
On ne fait jamais la guerre aux fourmis ;
maintenant prend exemple et regarde le lion
et l'aigle qui n'attrape pas les mouches.
Le magnanime recherche le grand courage :
il n'engage pas son âme dans des actions vaines,
mais il répand son coeur dans des actes sublimes.

1401-
Maintenant, conserve ces listes saintes
car je te laisse ici parce que je veux quelque peu,
avant que de parler des tristes dames,
voir ce qu'est la noblesse et qui est noble,
et je te montrerai dans le chant suivant
si celui qui est né vil peut devenir noble.
Puis tu verras ces dames dépravées
qui provoquent la disparition de la félicité.
 

Acerba II. 12

DE LA NOBLESSE

1409-
Prouvez, ô ciel, votre pure lumière
et corrigez l'erreur de ceux
qui donnent le nom de noblesse à de fausses apparences.
La valeur de la noblesse a déjà été étudiée
et définie en de douces rimes
par le florentin aux préoccupations anciennes.

1415-
Mais avec l'aide de justes preuves,
je m'oppose à la première école
et je veux que mes dires suivent le chemin de la raison.
La noblesse est la forme de la vertu
que l'on espère dans le sujet prédisposé
lorsque le ciel imprime ses qualités.

1421-
Si c'était une vertu de la lignée
ce serait une forme particulière de mouvement,
pourquoi alors le fils la perdrait-il dans le vice ?
En effet nous voyons chez les descendants
l'effet éloigné de leur nature
et de célèbres méchants avoir de nobles parents.

1427-
Donc, le ciel avec sa lumière tranquille
prédispose l'être humain à la noblesse
qui, s'il le veut, se met en action.
Ce rayon provient du second ciel
qui possède le pouvoir de donner la noblesse,
grâce à laquelle le monde est exposé à ce zèle.

1433-
Mais si le cercle du sang des ancêtres
se joint au cercle de la sublime lumière,
il donne alors à l'homme une noblesse d'une extraordinaire valeur.
Cependant, le ciel en éclairant le sang neuf,
ne lui peut donner des moeurs identiques
à celles du sang de ses ancêtres : cela je l'ai prouvé plus haut.

1439-
Mais ici m'écrit Dante, m'exposant ce doute :
soient deux fils nés d'un même accouchement,
le premier se montre le plus noble
et l'autre moins, comme tu l'as déjà compris.
Je m'en retourne à Ravenne, d'où je ne partirai pas :
dis-moi, Ascolan, ce que tu en penses.

1445-
Toi qui me lis, voici ce que je répondis à Dante :
selon mon maître que tu invoques aussi,
les cieux par leurs divers aspects,
par la qualité de leurs diverses configurations,
ont chez un nouveau-né des effets variés
identiques à ceux que possèdent les intelligences lumineuses.

1451-
L'orient forme le premier né
et l'autre, au contraire, par vertu divine,
est sous l'influence des étoiles occidentales.
Si le premier est vertueux et l'autre vil,
c'est que la première partie [ du zodiaque] fut favorable au bien
et l'autre lui fut opposée ; c'est pour cela qu'ils ne sont pas semblables.

1457-
Je reviens donc à mon argument et je contredis ceux
qui, en hochant la tête, les sourcils froncés,
et faisant grande merveille de leur origine,
disent : nous sommes nés nobles,
nous avons eu plus de mille sujets,
sur ces monts furent nos châteaux,

1463-
Chacun d'eux perpétue la honte
en tirant sa noblesse de ses ancêtres :
il croit à la vérité de ce qu'il rêve.
Le bien ne découlant pas du sang des ancêtres,
il a les yeux voilés de déshonneur ;
ceux-là sont nombreux, je ne te les nomme pas.

1469-
Il n'y a pas pire rosse qu'un destrier :
prends par exemple un Colonna
qui ne suivrait pas les traces de ses ancêtres ;
hors de sa nature, une chose parfaite,
qui se transforme en son contraire
prend plus que de mesure une forme cruelle.

1475-
La noblesse ne vient pas par accident ;
est noble celui qui montre sa valeur,
et non pas en raison de son lignage.
Chez l'homme prédisposé, l'obtention
de la noble volonté est naturelle
et non pas due à sa richesse, qui elle, est fortuite .

1481-
De lui-même, aucun accident ne produit d'effet,
donc la richesse ne rend pas l'homme heureux
car elle peut fuir ou être donnée à un individu.
Mais de même que le Soleil exhale sa splendeur
et comme fait la plante par sa racine,
son créateur unit la vertu à l'âme.

1487-
Mais la richesse est le flambeau de la noblesse
et plus l'homme en possède, plus il est noble.
Cependant, quiconque gâche continuellement son pouvoir
et fait mauvais usage de sa richesse
ne sachant à qui, quand et comment donner,
est conduit à la peine par son souvenir.

1493-
Maintenant que l'homme soit noble, comme je l'entends,
en voulant contenter ces groupes :
je tiens le fils de l'homme noble par le sang.
Noble par l'âme, il est le fils de Dieu,
et plus noble il ne se peut prétendre,
sinon c'est un pharisien obstiné.

1499-
Le Dieu éternel est plus digne que l'homme
et l'âme est plus parfaite que le sang :
ceci tu l'admets comme chose connue.
Donc la noblesse de l'âme qui se
complait dans le vertu est plus digne,
reflétant en elle la bonté divine.

1505-
Il provient déjà du ciel des influences
qui mettent des différences entre les hommes
selon les mouvements que font les cercles.
L'homme est noble lorsqu'il possède la vertu,
et toutes les autres raisons sont vaines
pour soutenir que les ancêtres rendent leurs descendants bons.
Tout comme à sa lumière on reconnaît le soleil,
ainsi en est-il de l'homme lorsqu'il montre et distille la vertu.
 

Acerba II. 13

DE L'AVARICE

1513-
Chaque être vivant est conscient de sa fin,
sauf l'esprit aveugle et avare,
qui tourne vers Dieu son échine courbée,
car plus il possède, plus il désire ;
en éloignant sa triste vie du bien,
il s'écarte du droit chemin.

1519-
Ô vous qui habitez les terres pontificales et le duché,
vous qui êtes près des côtes romaines,
vous êtes aussi sujet à ce type de péché ;
mais je me désole pour Rieti et Spolète
qui dans peu de temps verront l'armée
des soldats noirs aux casques polis.

1529-
Si Saint François, qui protégea Assise
du griffon blanc, ne prie pas la croix,
Elle sera une caverne dans un nouveau désert ;
et si à Pérouse, la punition tarde,
elle sera blessée sur son flanc le moins protégé
par de nouvelles frondes, à cause de son vil péché.

1531-
Todi qui maintient ses voiles gonflées
et espère bien le vol de l'aigle,
tissant dans son esprit de nouvelles toiles,
verra la plaie de sa voisine
perdant son sang et son souffle cruel,
dès que Saturne agira sur mars.

1537-
Je reviens à mon sujet et je parle de l'avarice et de ses conséquences
qui sont la cruelle racine des maux
de celui qui possède le moins lorsqu'il acquiert davantage.
L'homme sans argent a plus de valeur
que l'argent sans un homme heureux ;
ô les vertueux, ô comme vous êtes chers au monde !

1543-
Plus il pleut et plus le sable se tasse ;
il en est ainsi du courage de l'avare ;
plus il possède et plus il se soucie de posséder.
Le temps qu'il n'est pas mort, l'avare est un homme imbécile.
Et je dis qu'il ne peut jamais faire le bien mais toujours le mal,
ouvertement ou en cachette.

1549-
Tout péché vieillit avec les hommes ;
cependant, l'avarice conserve ses frondes vertes
et plus encore au temps des cheveux gris.
Ce vice s'oppose à la prodigalité ;
de celui qui gaspille ses biens durant sa vie
si bien que je vois la pitié se détourner de lui.

1555-
La cupidité pousse à acquérir à l'excès,
coûte que coûte, pourvu qu'elle puisse posséder
tout en retenant ce qu'elle doit donner.
En raison de ces effets, on dit l'homme avare
car, durant sa triste vie, il ne met aucune mesure,
que ce soit dans l'acquisition ou dans la retenue.

1561-
En chaque vice tu trouves
une étoile contraire, à la note différente,
qui délaisse la forme de sa belle lumière
et fait selon le moment, le bien ou le mal :
en changeant le sens de sa rotation,
je dis qu'elle change son cours naturel.
Tu peux entendre parler des vices que je
n'ai pas encore décrits dans les discours suivants.
 

Acerba II. 14

DE L'ORGUEIL

1569-
Ô Rome maîtresse de puissantes actions
lorsque tu retourneras en ton premier état,
ta bourse sera pleine d'or.
Comme il est écrit dans ton signe,
tu fus autrefois le frein de l'univers,
si tu te souviens bien de ton passé.

1575-
Mais en menant une vie remplie d'orgueil,
tes fils t'ont conduite à un point tel
que tu sembles avoir oublié ton passé.
Jamais ta sainte terre ne deviendra bosquets
si tu pleures amèrement :
les lumières que le ciel envoie le montre.

1581-
Les péchés de ta Romagne,
souillée du sang du voyageur,
fait se lamenter sur vous le cercle de la justice.
Mais dans peu de temps naîtra la discorde
et le Français chassera le Latin
à cause de l'apparence orgueilleuse de son visage

1587-
L'homme orgueilleux ne peut habiter
sur terre et ne peut monter au ciel :
il est toujours impliqué dans des affaires pesantes.
L'orgueil consume les personnes,
il provoque leur mort subite
car elles suivent leurs idées perverses.

1593-
Trois personnes déplaisent :
le pauvre orgueilleux et arrogant,
le vieux fou privé de raison et de biens,
le riche menteur à l'aspect honnête
qui semble toujours réciter des patenôtres.
Cette liste déplaît trop à Dieu.

1599-
C'est la racine de tous les péchés ;
à cause de lui, les esprits malins damnés,
voulurent le trône de Dieu.
Puis cette secte inique tomba sur la terre
où par ses embrouilles elle fait naître le mal
et rend suspecte la vue du bien.

1605-
L'orgueil n'est pas autre chose que de vouloir
être placé au-dessus de tous
et de se faire passer pour ce que l'on n'est pas,
en passant devant chaque homme bon ;
il lui semble que chacun est indigent
et il méprise celui qui a reçu le don de la grâce.

1611-
A la différence de la vanité,
il cache en lui-même sa norme mauvaise,
il se prend pour le maître des autres.
Alors que ceux qui sont vaniteux
veulent être couverts de louanges notoires
en montrant ce qu'ils désirent.

1617-
L'orgueil fait naître l'ingratitude ;
cela détruit la pitié
et fait oublier le bien passé.
Si tu fais entrer en ton coeur un homme vertueux
vois comme il se prive de sa liberté
en souvenir des dons passés.

1623-
Combien de maux naissent de l'homme ingrat
qui détourne des autres l'homme libéral
et par mépris le fait tomber dans le péché.
Voici la peine d'un mal fait entre personnes d'un même sang :
quand pour le bien l'homme récolte le mal
le bon père se sépare de son fils.

1629-
Mais que le mal d'autrui ne gâche pas ton bien,
que le vice ne disperse pas ta vertu
lorsque tu sens les morsures de l'orgueil,
car c'est en combattant que l'homme acquiert l'honneur.
Ô combien l'orgueilleux mérite d'être noyé
et de sentir la peine de cette douleur nouvelle ;
car l'homme orgueilleux dévaste les terres :
c'est par lui qu'arrive la plaie des guerres cruelles.
 

Acerba II. 15

DE LA LUXURE

1637-
Ô bolognais au coeur de braise,
sous peu, vous serez arrivés à un point tel
que Bologne, tout doucement, tombera en décadence.
Souvenez-vous que l'arc divin
atteint chaque péché de sa flèche,
et plus il attend et plus il se bande.

1643-
Je me désole pour vous car j'espère revenir
au nid, qui à mon avis,
a été fondé sous la foule des étoiles globuleuses.
De même que je me désole et pleure pour Florence
qui dans les larmes oubliera Doccia,
les lucquois l'offensant de nouveau.

1649-
Pise, tu pleures maintenant avec des soupirs dolents,
lorsque tu te souviens du triomphe de Montecatino
et du sang des français :
il faut pourtant que ta valeur s'éteigne
et tombe sous le coup du jugement divin,
en retirant ton joug de la Sardaigne.

1655-
Ô Sienne, toi qui gît sous un beau ciel serein
tu dois pleurer ton doux territoire dévasté
à cause des rivalités de tes familles.
Et le temps viendra où la Toscane
hurlera de douleur à gorge déployée
en raison de la méchanceté humaine.

1661-
La luxure est votre déesse
et plus que ne le fit la lance juive,
vous ouvrez de nouvelles plaies dans le corps de notre sauveur ;
dorénavant, tournez vos regards vers Dieu
dont les larmes pleuvent sur vous
lorsqu'il voit combien vous vous détournez du bien divin.

1667-
La gourmandise, la luxure et la guerre
détruisent les richesses et les personnes :
les femmes et le jeu y contribuent,
les corps se consument et l'âme se ronge :
à cause d'elles, me semble-t-il, le ciel se ferme
et cela conduit le Dieu très haut à s'indigner.

1673-
Et l'ennemi de la gente humaine
jouit plus de l'accomplissement du
péché de chair que des autres vices.
La raison en est que par sa nature,
il ne peut y succomber lui-même et s'en faire gloire :
cependant il peut commettre tous les autres péchés.

1679-
Son esprit, qui retient la vie prisonnière,
offense et ôte toute renommée de vertu,
et la malhonnêteté court de par le monde,
il détruit le bon sens, détourne les lois,
fait s'enflammer notre âme de désir
et désorganise le ciel qui régit toute chose.

1685-
C'est de lui que vient la servitude cruelle
qui impose sa loi à celui qui, soumis
aux satisfactions de la chair, se laisse gouverner par les femmes.
Ô tristes serfs, ô esclaves achetés,
pourquoi l'acte charnel vous tourmente-t-il tant,
qu'il vous rende si dépravés aux yeux de Dieu ?

1691-
Vous ne devez pas croire une femme idiote
et sa beauté artificielle ne doit pas vous enflammer,
voyez plutôt comme son coeur est froid !
Que votre esprit regarde avec des yeux perçants,
alors vous oublierez son charme
en découvrant ses stupides mystères.

1697-
Comme avec des pleurs, elle exerce ses yeux
menteurs pour produire un effet plus important !
Profitant de ses malheurs, elle s'entraîne à soupirer.
Ô combien aveugle est celui qui croît les femmes !
Ô que de peine, au cours du temps,
procure le plaisir sans que le bien ne soit atteint !

1703-
Ainsi qu'on ne peut cacher la braise
en la tenant en son sein,
ainsi, jamais l'homme ne peut-il converser
avec une femme sans qu'il n'y ait délit,
car elle a toujours le coeur rempli de malice,
elle nous le montre si nous l'observons attentivement.

1789-
Au feu de la femme, la terre, l'abîme
infernal, dit-on, ne suffisent pas
et sans fin son appétit se déchaîne.
Mais si tu considères le but du désir charnel,
l'esprit sera alors chaste en voyant
le grand mal sans fruit.

1715-
La luxure peut se subdiviser en
inceste, adultère, fornication
et actes contre nature.
Avec son propre sang, on commet l'inceste,
mais sous le couvert du mariage,
on commet manifestement l'adultère.

1721-
Le vice contre nature est un vice horrible
ô âmes méfiez-vous de la sodomie,
ô combien par cet acte Dieu est offensé !
Vous cherchez l'amour là où il ne règne pas.
Ô esprits aveugles vous qui avez fui le bien,
l'air s'indigne de votre vie.

1727-
Je vous rappelle que vos os décharnés
resterons dans la tombe obscure
et que la mort nous frappe tous.
Ne succombez donc pas à cet acte vil,
car si vous faites raisonnablement le total,
cet hommes de chair aux sens aiguisés
n'acquiert rien, et lorsqu'il est mort,
l'homme vaniteux croît avoir gagné alors qu'il a perdu.
 

Acerba II. 16

DE L'ENVIE

1735-
Ô beau pays aux douces collines
pourquoi ne vous connaissez-vous pas, ô gens acerbes
aux actions avares, envieuses et folles ?
Moi aussi je te pleure, mon doux pays
car je ne sais qui pourra te sauver en ce monde,
vous commettez tant d'offenses contre Dieu.

1741-
Viendra le temps des jours tristes
de la guerre qui ensanglantera les champs
et incendiera tes belles montagnes,
tu tomberas, tes nerfs rompus.
Même si cela tarde, tu n'y échapperas cependant pas :
sans secours et dénudé, tu pleureras.

1747-
Votre coeur avare et envieux
ô Marchégians aux lourdes fautes,
selon ce que montre le ciel,
vous entraînera dans les incendies de la guerre
et vous y laisserez la peau et les os,
lorsque commencera l'année au triste mois.

1753-
L'envie vous quittera lorsque le Tronto et le Castellano
de la terre ascolane remonteront vers l'ouest.
Recanati et Lesi vous ont amenés à ce point là
et si vous rentrez dans le droit chemin,
la montagne de saint Marc
et celle de Polsi seront réunies.

1759-
Ecoute, Romagne aux renards de vieille souche
qui font, pendant la grande paix,
des coups par en dessous pour avoir de nouvelles tanières :
tu seras aussi soumise par des tyrans,
la viande de renard a besoin de sauce de chien
et les grands péchés de terribles peines.

1765-
L'envie qui n'abandonne pas le monde,
chasse la vertu de l'intelligence
et consume la personne,
ronge l'âme en détruisant le coeur.
Si de tout péché l'on retire quelque plaisir,
de l'envie on ne retire rien d'autre que de la douleur.

1771-
C'est la tristesse devant le bonheur de l'autre
et la joie devant le mal destructeur
qui nous arrive fortuitement au cours du temps.
L'envie est plus dure à supporter
que la pauvreté accidentelle
qui fait tomber l'homme de sa situation élevée.

1777-
Si tu veux te venger de l'envieux
et d'une flamme plus ardente le faire souffrir,
rapproche-toi de la vertu qui tend vers le bien,
désole-toi toujours du malheur d'autrui,
pense aux temps à venir
et comment la fortune change de cours

1783-
Car à celui qui se réjouit des larmes de son voisin,
viendront des heures tristes
où il chantera un nouveau chant de tristesse.
Ame envieuse et dédaigneuse
regarde ton créateur sur la croix
et pour quelle fin tu fus créée :
je dis que c'est pour avoir un destin digne
en fuyant la mort éternelle grâce à la vertu.
 

Acerba II. 17

DE LA GOURMANDISE

1791-
Ô vous lombards à la bouche dilatée,
vous serez rebelles à saint Pierre
en regardant si l'aigle prend son envol.
Viendra le temps dis-je, où
des jeunes hommes ardents aux actions hardies
étendrons leurs ailes sur le temps ;

1797-
Chacun d'eux, de son épée sanglante
effacera le nom du grand lombard,
s'ils ne perdent pas la vie près de l'Ada.
En Lombardie, je vois tomber les Guelfes,
si Dieu ne regarde pas de nouveau le ciel
et n'enlève pas son pouvoir à Saturne.

1803-
La grande discorde ruinera Crémone,
Padoue, Milan et Plaisance :
je ne dis rien de Mantoue et de Vérone,
car je ne sais à quel ciel appartenaient leurs étoiles :
je crains d'offenser leur volonté ;
il convient donc que je taise mes prédictions.

1809-
Votre Lombardie à la douce plaine
sera toujours soumise aux tyrans,
si la piété ne fait obstacle à votre nature.
La gourmandise, que vous vous acharnez à perpétrer,
est le grand mal du sixième climat ;
je ne crois pas que Dieu change cette rime.

1815-
Celui qui ne réfrène pas sa bouche gourmande
ne peut régler leur compte aux autres vices
car avec la gourmandise, la luxure s'embrase ;
elle fait oublier et perdre le bon sens,
elle corrompt le sang dans chaque veine,
et il meurt en assouvissant sa gourmandise.

1821-
La gourmandise affaiblit l'esprit et la langue,
elle empêche de comprendre le bien
et fait tant engraisser que subitement elle fait suffoquer ;
la vie s'achève dans le déshonneur,
elle enlève tout espoir de gloire,
fait ressentir uns flambée d'immense douleur,
et dépouille l'âme de sa vertu ;
nue, elle pleure alors après son salut.
 

Acerba II. 18

DE LA VANITÉ ET DE L'HYPOCRISIE

1829-
Certes, celui qui désire l'honneur
et les louanges dus au bien que l'homme acquiert, est vertueux
car avec la renommée la valeur grandit davantage ;
mais les vaniteux à la gloire imbécile
qui veulent des louanges données sur les apparences
outrepassent la mesure et touchent l'extrême.

1835-
Que celui qui les refuse n'attende pas de louanges
ni n'attende le salut celui qui offense le salut
car la vérité ne change pas même si elle se cache.
Il n'y a pas toujours de fruit là où il y a des feuilles vertes
ni n'est trésor ce qui brille et resplendit,
celui qui le croît se prive du bien.

1841-
Et plus l'homme est différent de ce qu'il montre
et plus il désire les louanges pompeuses
et plus fort il méprise cette vie.
C'est l'âme de l'hypocrite
qui se réjouit de la vanité,
changeant de jugement selon sa fantaisie.

1847-
La fausse renommée dure peu
pour celui qui parle bien mais vit dans le mal
et qui veut cacher sa nature.
Quiconque veut cacher ses mauvaises actions
et faire paraître blanc ce qui est noir
aux yeux des hommes, est toujours découvert.

1853-
Que les paroles des autres propagent ta louange,
et que ta bouche garde un beau mutisme :
ton âme ne sera pas tourmentée par la honte.
Notre propre bouche rend nos louanges inaudibles
et provoque un grand déplaisir chez les autres
quand la vanité les touche.

1859-
La vanité qui règne chez l'homme
qui veut plus de louanges qu'il n'en mérite
est contraire à la magnanimité.
Parmi tous les autres, ce vice nuit moins
et méprise moins notre humilité,
mais son langage seul crée des dommages
et rend l'âme aveugle à la connaissance
elle ne pense plus, alors, à son salut.
 

Acerba II. 19

DE LA COLÈRE ET DE LA PARESSE

1867-
La colère n'est rien d'autre que du sang échauffé
dans le coeur, que l'irritation enflamme,
et qui fait que l'âme se languit de sa vengeance.
Une colère subite efface le grand bonheur
du grand amour qui devient peu de chose,
s'il n'y a pas l'espoir d'une paix amoureuse.

1873-
Là où règne l'amour parfait, il n'y a pas de colère :
il soupire en paix avec une douce pudeur
s'il ne montre pas signe du bonheur caché.
Comme la douce colère nécessaire
pour avoir la double paix est une belle chose
lorsque notre coeur soupire d'amour !

1879-
La jalousie enflammée, accompagnée d'une forte colère
et la pensée qui ne prévoit pas les conséquences,
avant qu'il n'en soit temps, conduit à la mort.
De la colère naît une parole irréfléchie
qui provoque une mort immédiate
et l'âme désespérée s'en va seule.

1885-
Trois choses calment le coléreux :
ou lui répondre doucement, ou se taire,
ou partir jusqu'à ce que sa colère soit tombée.
Les yeux humains, lorsqu'ils sont en colère,
cachent à l'âme la juste vision des choses
en l'éloignant des actes bienheureux.

1891-
La colère des fous se manifeste également en paroles,
l'air résonnant de leurs voix irritées :
mais celle des sains d'esprit réside dans leurs actes.
Ô combien l'âme a une belle forme
si elle se garde de ces actes atroces
puisant sa fermeté dans sa vertu.

1897-
La coupable paresse est tiédeur de l'âme
qui s'arrête au début de ses actes,
et en commençant, ne suit pas le chemin tracé.
Ceux que la paresse tient dans ses griffes,
en se montrant toujours fatigués par le bien,
nous montrent leurs défauts.

1903-
Je laisse ici ces tristes femmes
et j'ai l'intention de suivre un autre chemin
à partir de cette rive, d'un pas plus doux,
et de faire des comparaisons d'animaux et de pierres,
en ne parlant plus latin dans cette partie,
afin que la gent commune ici se réveille.
Je commencerai d'abord par la haute valeur
en disant d'où elle vient et ce qu'est l'amour.
 

Commentaire du Livre II

II. 1 : De la fortune

Tout ce qui est créé dépend des sphères célestes qui sont elles-mêmes sous l'autorité directe de Dieu (v.707).

Les cieux, qui transmettent au monde la lumière et le mouvement, sont donc une manifestation de la gloire divine (v.713).

Leur mouvement dispose l'être humain au bien mais ne crée pas d'obligation ; ainsi, l'âme possède-t-elle son libre arbitre et peut-elle se soustraire à ce bien (v.719).

Dante s'est trompé lorsqu'il affirme que les biens de la fortune sont assignés par la fatalité ; aucun destin ne résiste à la raison (v.725).

Le destin n'est rien d'autre qu'un changement dans la disposition du ciel ; il ne peut rien sur l'âme créée libre (v.731)).

les substances séparées ne reçoivent pas l'influence des sphères célestes et donc l'intellect ne peut être soumis au destin (v.737).

L'âme est responsable de la volonté, elle est donc responsable du bien ou du mal qu'accomplit l'être humain. Si le destin enlevait le libre arbitre de l'âme, Dieu pourrait être accusé d'injustice à chaque fois qu'une force étrangère à l'homme lui inflige une douleur (v.743).

Le bien parfait ne s'acquiert pas sans peine. Seul celui qui le recherche activement sera heureux car l'oisiveté ne mène qu'à la pauvreté (v.749).
La fortune est comme une plante, elle peut germer, mais si elle n'est pas travaillée, elle ne donne pas de beaux fruits (v.755).

Ainsi une belle âme ne meurt pas avec le corps pourvu qu'elle sache se rebeller contre le mal. Le sujet n'est jamais privé de son caractère même si de temps en temps il peut, par accident, dévier de sa route (v.761).

Elle est comme un aimant trempé dans l'huile ; le temps que le liquide n'est pas essuyé, cet aimant n'attire plus le fer. Lorsqu'elle n'est pas entravée, elle ne pousse pas l'homme au mal ; chaque humain peut donc vaincre le destin en suivant la voie de la raison (v.767).
 

II. 2 : De la naissance de l'homme et de l'influence des cieux

Dieu créa l'homme à son image ; il lui donna le ciel et la terre et le mis au centre de l'univers en lui laissant le choix de se damner ou d'être bienheureux (v.775).

La matière vivante sur laquelle agira la semence humaine, est formée par le mouvement des sphères célestes ; toute la puissance du firmament concourt à cette formation. Les deux (cerveau et foie) se forment en premier dans l'utérus, mais le plus important est la formation du coeur car c'est lui qui contient l'âme (v.781).
La semence du père forme les organes par un mouvement permanent ; ainsi se forment tous les organes, y compris les organes génitaux qui ne fonctionneront qu'à la puberté (v.787).

Les douze signes zodiacaux (huitième sphère) contribuent à la formation de nos organes et chacun s'occupe d'une partie qui lui est propre, y imprimant les dispositions permanentes et les dispositions transitoires ; cependant, chacun de ces signes conserve dans ses rayons les caractéristiques données par Dieu (v.793).

La naissance d'un infirme est due à l'influence néfaste d'un signe ; mais, un défaut corporel créant une âme mauvaise, ces êtres accentuent leur disgrâce en se montrant fiers de leur mauvaise fortune (v.799).

La semence de l'homme et de la femme forment ensemble le squelette et les chairs du corps humain. L'âme du père qui agit en permanence dans le sperme, y imprime l'aspect de la personne et fait arrêter les flux de l'utérus pour les transformer en parties dures (v.805).

Le foetus se nourrit des humeurs superflues de la femme, qui autrement seraient expulsées. Ceci se fait par le cordon ombilical (v.811).

Ce foetus se tient les jambes repliées avec la colonne vertébrale pliée en arc ;ses mains sont sur ses joues, entre ses cuisses qui s'appuient sur les talons ; les épaules sont tournées vers nous et les membres sont repliés ; dans cette position, la nature lui permet de faire des mouvements (v.817).

Durant sa grossesse, la femme ne laisse pas de traces sur le miroir. Une partie du superflu de ses humeurs sert à remplacer ses propres tissus et à former le foetus, tandis que l'autre partie, lorsqu'il en est temps, va aux seins et donne le lait (v.823).

La mère possède sept compartiments, un par planète, et elle peut donner le jour à des septuplés, comme Cecco le vit à Leta. Ce phénomène provient de l'abondance de la semence et de la conjonction des sept planètes dont les lumières agissent en même temps (v.829).

Sous l'influence de Jupiter, l'accouchement a lieu le neuvième mois. Les prématurés de sept mois peuvent vivre parce que le septième mois de la grossesse est sous l'influence de la Lune dont l'action est bienveillante et aide la nature (v.835).

Cependant, un prématuré naissant au huitième mois de grossesse meurt car Saturne domine et sa froideur retire l'âme du coeur. Chaque planète influence un mois de la grossesse, en commençant par Saturne, qui revient donc le huitième mois (v.841).

Les parois des organes génitaux de la mère se resserrent après la fécondation, une pointe d'aiguille ne pourrait pas y pénétrer, comme le veut Saturne. Mais, ces organes génitaux peuvent s'ouvrir de nouveau, sous l'effet du désir sexuel, et ainsi naîtront deux enfants comme il advint à la Lise du Lac (v.847).

L'un est né au neuvième mois, l'autre au dixième. Sous l'effet d'une importante libido, la femme peut concevoir un deuxième enfant (v.853).

L'enfant ressemble à son père lorsque la semence de la mère est vaincue. Si le ciel n'est pas propice, les parents dont le pouvoir des semences est détruit, restent sans descendance (v.859).

Si la femme amoureuse pense fortement au père, alors l'enfant ressemblera à ce dernier. Une certaine ressemblance existe également chez ceux qui sont nés sous l'influence d'un même ciel (v.865).

Saturne confère la mémoire, Jupiter fait grandir, Mercure donne la raison, Mars la vivacité et la colère, Vénus le désir amoureux, le Soleil la vitalité et la Lune les fonctions organiques. Ainsi chaque planète et les huit étoiles fixes produisent-elles des dispositions spéciales. Chaque créature humaine a un temps déterminé pour mourir ; certaines mourront jeunes, d'autres âgées (v.871-877).
 

II. 3 : De quelques uns des signes de la physionomie

L'aspect physique est le reflet de l'âme ; quelques larmes, des soupirs et des regards de pitié sont des signes d'amour. Changer d'expression de visage, avoir une attitude humble, regarder doucement et fixement à terre, sont des signes d'amour qui ne sont pas à dédaigner (v.893).

Les cheveux crépus, le front large, les yeux petits et près du nez, accompagnent la mémoire et le raisonnement. Ils rendent l'âme hautaine et dédaigneuse si elle se préoccupe du moindre petit détail et si elle ne sait pas être humble (v.899).

Ne te fie pas à celui qui a les sourcils fournis ; ne te laisse pas prendre par une telle personne ; impie, fausse, voleuse et vile, elle vit de belles paroles : c'est un loup rapace à l'apparence d'un agneau (v.905).

Celui qui louche porte le masque de la malice et suit les voies du diable. Les yeux proéminents et gros, ou les yeux qui bougent rapidement sans battre des paupières, appartiennent à des personnes folles, fausses et sans pitié (v.911).

L'homme au nez aquilin désire vivre des biens d'autrui et, à l'occasion, peut devenir un assassin. Il est magnanime mais sans pitié ; toujours surexcité, il vit comme une bête féroce, sans égards pour personne (v.917).

Celui au nez busqué ou celui au nez fin, s'adonne à la luxure. Qui a le nez fin et terminé en pointe ou rond terminé par une boule, est sujet à la colère ; le premier comme un jeune chien (v.923).

Le second est magnanime et sérieux. L'homme aux narines larges est vaniteux, celui aux grandes oreilles ainsi que celui aux grosses lèvres sont bestiaux ; par contre, qui a les lèvres fines et gracieuses sera magnanime (v.929).

Les dents rares font l'homme audacieux ; un visage charnu est signe d'un caractère libidineux enclin à se tourmenter pour des riens. Celui qui est maigre est rempli d'une sollicitude qui ne le quitte pas, comme s'il s'agissait d'une chose sacrée (v.935).

L'individu corpulent a des mouvements lents. Tiens loin de toi une personne au visage mince car, bien qu'elle se fasse timide lorsqu'on la regarde, rares sont celles qui sont généreuses ((v.941).

L'homme à l'air affligé, à la peau couverte de taches de rousseur et qui semble ravi par l'observation du ciel, aime faire du mal aux autres. Il est plus méchant que Gracques et plus perfide que Judas (v.947).

Ceux qui ont le cou court, délictueux par nature, sèment la tempête dans leur quartier ; toute la sagesse d'Apollon ne suffirait pas à expliquer la signification de leurs dires incompréhensibles et remplis de malice perfide (v.953).

Le gros cou est signe de force ; long et fin il rend l'homme timide et faible. Le long cou, bien proportionné est signe de magnanimité (v.959).

L'homme qui marche courbé en regardant par terre, est soit avare, soit peu intelligent (v.965).

Le jugement qui ne se base que sur la connaissance des règles écrites est à proscrire car il ne tient pas compte de l'observation répétée de la personne et il risque donc d'être faux (v.971).
 

II. 4 : De la définition générale de la vertu

La vertu s'acquiert grâce à la lumière des étoiles, le rayonnement qui vient du ciel produit dans l'âme élue, la disposition à la vertu. Ainsi, l'homme fuit le mal avec l'aide de sa raison et sa capacité à être vertueux se traduit dans ses actes (v.979).

Si la vertu était instinctive, comme la Terre est immobile, l'homme serait toujours heureux en se laissant guider par cet instinct (v.984).

L'âme, rendue apte par les cieux et prédisposée à la vertu, accomplit le bien parfait. La seule volonté peut permettre d'accéder à ce bien mais cela est beaucoup plus difficile que lorsque l'âme est prédisposée (v.991).

La vertu est donc la capacité de savoir choisir le juste milieu, entre deux extrêmes. Les extrêmes, contraires l'un à l'autre sont en conflit permanent (v.997).

Ces racines ont été plantées dans la souche humaine lorsqu'elle suivait les voies des lois morales ; mais le temps a changé les coutumes, de génération en génération, et la vertu se languit dans ce monde aveugle (v.1003).

Le vice nous aiguillonne et nous prive à la fois du bonheur terrestre et du bonheur céleste (v.1009).

La vertu définie comme le juste milieu, est au-dessus de toutes les vertus particulières (v.1015).
 

II. 5 : De la justice

La justice est le guide de toutes les autres vertus. Ses balances soutenues par une épée sortie de son fourreau, sont les colonnes parfaites du monde (v.1023).

Les divisions feront tomber la pauvreté et la faim sur Terre ; il pleuvra du sang sur l'herbe des champs, le ciel semblera crier vengeance ; les justes seront opprimés par des tyrans et ils pleureront de douleur devant le traitement injuste qui leur sera infligé (v.1029).

C'est la raison pour laquelle nous voyons des villes désertes, les murs abattus à l'ombre de bosquets, alors qu'ils étaient hauts et robustes ; ces villes n'ont pas été fondées sous le signe de la Balance. Il en a été ainsi de Pistoie où sévira une peste et tout son carquois de malheurs (v.1035).

Soyez justes, en utilisant les préceptes des écrits de César Auguste. Que la peine de l'un serve d'exemple aux autres; ne provoquez pas la colère des cieux en trempant vos mains dans le sang du juste, car il retombera, brûlant, sur vos descendants (v.1041).

Les péchés des parents provoquent des guerres chez leurs fils innocents. Mais les personnes aveuglées ne tiennent pas compte de ce qui adviendra et, dans leur désir d'accomplir le mal, elles ne respectent pas la volonté divine (v.1047).

Chaque péché a un temps pour recevoir sa punition, et celle-ci est d'autant plus lourde qu'elle tarde à venir. Notre volonté nous pousse à agir contre la vertu ; de cela résultent les peines et les douleurs, alors que notre âme attend de la douceur (v.1053).

Les jugements rendus avec des sentences impies qui font pleurer les innocents et les orphelins, réduisent à la pauvreté, provoquent de justes châtiments venus du ciel et justifient le ressentiment de ceux qui sont attachés à la vertu (v.1059).

Pour les orphelins, les veuves et les pupilles, qui en appellent à Dieu dans leurs pleurs, ces justes prennent les armes (v.1065).

Mais le comportement impie de ces armées donne de nouveaux motifs de déplaisir à la Croix. Ne libérez pas celui qui mérite la mort ; rendez vos âmes vertueuses afin qu'elles ne pleurent pas pendant l'éternité (v.1071).

La justice vient du quatrième ciel et illumine le monde comme le Soleil, en donnant à chacun selon ses mérites et en punissant les offenses. C'est grâce à elle que le monde ne se dépeuple pas. (v.1077).

La justice consiste à donner à chacun selon ses droits, avec fermeté et constance. Celui qui est juste vit honnêtement, il n'outrage pas autrui ni ne le blesse, et donne selon le mérite ;il porte les rameaux d'olivier du triomphe et vit toujours en paix (v.1083).
 

II. 6 : De la force

Les Colonna sont les fils de Mars ; leur armée a touché le ciel et la Terre résonne de leur renommée. Leur combat contre le lys (les Français )aura pour résultat de tenir leurs ennemis cachés sur le territoire de Rome (v.1091).

La troisième feuille de leur branche sera crucifiée, de génération en génération ; elle ne perdra cependant pas la gloire de leur nom lorsqu'elle reviendra au grand jour ; ici, l'auteur ne peut pas dire comment cela se produira (v.1097).

Ils sont les serviteurs de cette forte dame, fermes et constants dans les temps de corruption. leur Colonne ne craint rien ; elle sera récompensée par l'ouverture du ciel au moyen des clefs de la justice ( les clefs de Saint pierre). L'auteur ne connaît pas celui d'entre eux dont il s'agira ni de la date de cet événement (v.1103).

La force humaine vient de Mars lorsque cette planète occupe la région zodiacale du Bélier. L'homme ayant subi une forte influence des cieux, mène de grandes entreprises s'il n'a pas hérité de l'indolence de son père (v.1109).

Car la nature grossière du père, qui passe par hérédité chez le fils, fait obstacle à l'influence des astres. Prenons l'exemple de deux enfants nés en même temps, sous le même ciel, mais l'un noble et l'autre de basse extraction (v.1115)

Les conditions du ciel font supposer que les deux sont dignes d'être rois ; cela sera vrai si l'un est fils de l'excellent roi Robert, par exemple ; ayant une telle hérédité, il sera également poussé à cette noblesse par la configuration des cieux (v.1121).

L'autre sera roi parmi les siens, car le ciel ne peut lui donner le courage dont il n'a pas hérité. Donc une disposition trouve de l'aide dans le ciel (v.1127).

La force n'est rien d'autre qu'un esprit constant, sans peur devant l'adversité. une prouesse forcée, face à la mort, lorsqu'on est sans défense, n'est pas une vertu (v.1133).

Pour Cecco, fuir lorsque cela est nécessaire, est une prouesse plus grande que d'affronter le danger, s'il s'agit seulement d'éviter une mort cruelle et inutile ; qui veut abandonner la vie, n'est pas un homme fort (v.1139).

Seule est vertueuse la force dont l'homme est capable dans les trois cas suivants : pour ne pas être déshonoré dans ses biens ou dans sa personne, et pour conserver l'honneur de sa terre natale. Cependant, cette vraie force est rare (v.1145).
 

II. 7 : De la prudence

Il n'y a pas de vertu chez celui qui n'est pas intelligent. La prudence ou discernement, n'est rien d'autre que l'aptitude à pouvoir discerner, grâce au raisonnement, le bien du mal (v.1153).

Le souvenir des événements passés et la prévision de ceux à venir, permettent à l'homme d'être heureux. Ce sont les fondements de la sagesse qui permettent à la vie de bien se finir, lorsque l'esprit se nourrit de la connaissance (v.1159).

C'est la seconde étoile (Mercure) qui nous transmet cette disposition ; elle gouverne la sagesse humaine en nous donnant la connaissance et en nous empêchant de tomber dans l'erreur (v.1165).

La sagesse vaut plus qu'un trésor. Là où elle se trouve, la richesse ne manque pas si l'âme ne reste pas dans l'erreur ; je n'ai jamais vu un homme vertueux mal finir ses jours (v.1171).

Celui qui se consacre au savoir ne peut ni mourir ni vivre démuni, ni être abattu par le destin. Par contre, celui qui néglige l'acquisition de la connaissance durant sa jeunesse, perd son temps et s'expose à un repentir douloureux le reste de sa vie (v.1177).
 

II. 8 : De la tempérance

Ascoli a été fondée dans un double cercle de collines ; les personnes nouvellement arrivées au pouvoir ont changé ton indolence première (v.1185)

Tes habitants sont hautains et renfermés, envieux entre eux, mais timides devant l'étranger(v.1191).

Les ascolans ont reçu de bonnes dispositions du ciel mais ne suivent pas les mérites de leur site naturel ; ils devraient chercher la tempérance car si le vice opposé progresse, ils ne le pourront plus (v.1197)

La tempérance est la capacité à se dominer ; elle est le frein des passions qui réussissent à corrompre l'âme. Cette vertu vient de Jupiter et s'ancre plus ou moins profondément en nous, selon la force de ses rayons (v.1203).

Qui refrène son penchant naturel au mal, que nous possédons dès la naissance, souffre toujours. Mais, comme l'esprit est beau et noble, lorsqu'il remporte la victoire sur ce penchant ! (v.1209).

Qui n'est pas capable de remporter la victoire sur lui-même, ne la remportera pas sur les autres. Celui qui suit les sept façons de se dominer, a compris la loi de l'amour divin (v.1215).

Ces sept façons sont : être chaste dans sa jeunesse, être dans l'allégresse pendant sa vieillesse, ne pas être envieux lorsqu'on est pauvre, savoir se modérer dans l'utilisation de sa richesse, garder son humilité dans la grandeur et sa patience dans le malheur (v.1221).

Et savoir supporter la souffrance liée aux fortes passions. Ceux qui suivent ces sept préceptes sont éloignés du vice. En accomplissant toujours des actions pures, la vertu les guide vers le ciel et ils laissent les autres dans la peine éternelle (v.1227).
 

II. 9 : De la libéralité

Cette vertu ( la libéralité), qui honore celui qui la possède, est transmis a l'homme lors de sa conception, par le troisième ciel (Vénus). Avoir les moyens de satisfaire sa propre volonté est une belle chose mais la libéralité n'a de valeurs que si l'homme arrive à s'éloigner des biens de ce monde (v.1235).

La largesse consiste à donner avec mesure, à qui, quand et comme il est opportun ; celui qui agit contre ces principes, risque de devenir pauvre si la chance tourne (v.1241).

Celui qui donne est plus heureux que celui qui reçoit ; ce dernier montre sa vertu en acceptant seulement les dons lorsqu'il en a besoin, selon ses mêmes besoins et d'une manière appropriée. Celui qui reçoit, sans que cela soit justifié, et qui n'a pas honte, rêve jour et nuit au moyen de profiter de cette vertu (v.1247).

Vous qui donnez avec largesse, rappelez-vous que le front transpirera à tendre la main lorsque vous n'aurez plus d'argent ! La connaissance rend la vie du pauvre plus douloureuse ; heureux celui qui sait freiner le vice du gaspillage (v.1253).

Tant que l'homme est prospère, il est entouré d'amis et de parents ; cependant, cet amour ne dure que le temps qu'il a des biens à distribuer à ces gens fourbes (v.1259).

Pour eux, l'homme ne vaut que par ce qu'il fait et autant qu'il sait se faire valoir. Ô personnes aveugles, regardez une armée vaincue, elle est sans honneur si elle perd le pouvoir et ses hommes ne désirent plus que la mort (v.1265).

On ne doit pas cacher dans une vieille bourse ce qui doit être dépensé car il arrive un moment où on doit dépenser en raison de circonstances imprévues et graves. Qui ne veut pas être offensé par la dépense, doit savoir ouvrir sa bourse avec modération (v .1271).

Cette vertu est louée partout. Mieux vaut donner que recevoir, plutôt souffrir que se venger : ce sont les principes de charité de celui qui mérite la paix éternelle et qui donnent la grâce à celui qui la pratique sans s'en vanter (v.1277).
 

II. 10 : De l'humilité

Les hommes outragent cette dame (l'humilité) : là où aujourd'hui on vit dans le malheur, régnait autrefois l'humilité (v.1285).

Les honneurs sont conférés à ceux qui triomphent dans les guerres civiles, en frappant leurs voisins. Ils ont pourtant l'exemple de Dieu humilié sur la Croix (v.1291).

La créature doit suivre l'exemple de son créateur : nous devons donc suivre la voie de l'humilité. Qui s'exalte sera humilié lorsqu'il sera touché par un revers de fortune (v.1297).

L'humilité nous conduit à la grâce et à la vertu parfaite. Comme les oiseaux qui resserrent leurs ailes pour monter vite et haut, elle nous oblige à nous concentrer (v.1303).

Ne fais pas comme le vieux rapace qui se montre hautain aujourd'hui, alors qu'il est d'humble souche. Les plus grandes chutes se font des plus grands sommets, et vois comme les changements de fortune humilient leur outrecuidance (v.1309).

Chacun doit avoir le coeur humble devant son créateur, incliner la tête devant les hommes vertueux, écouter avec humilité ceux qui sont pauvres comme le prescrivent les saintes écritures.

C'est la Lune qui est responsable de cette vertu ; elle réprime les grandes prétentions. La véritable humilité consiste à se montrer soumis à qui il se doit et quand il se doit, bien que personne ne mérite d'être méprisé pour être sorti des chemins de la vertu (v.1321)

La révérence faite aux supérieurs, les honneurs rendus à ceux qui font le bien, l'obéissance à son seigneur, gratifier le serviteur, sont des comportements qui proviennent de l'humilité. Celui qui se tient à cette vertu venue du ciel, sera heureux (v.1327).
 

II. 11 : De la chasteté, de la modération et de la magnanimité

Saturne est responsable de la chasteté, de la constance, de l'abstinence et de la modération qui rendent l'âme belle comme le jour. Si cette planète s'arrête dans le signe du nouveau né, elle le dispose à la grandeur d'âme (v.1335).

La chasteté est le frein de notre raison et des morsures de notre libido en retenant notre tempérament , qui freine notre langue et arrête les élans subits de l'amour (v.1341).

La flamme de l'amour est forte lorsqu'elle provient de la vue d'une belle chose ; de désir, le coeur s'enflamme. Comme l'homme est bien plus chaste et bien plus heureux si l'amour, qui naît d'une similitude d'étoile, ne le corrompt pas (v.1347) !

La chasteté ne prend pas naissance chez celui qui est gourmand car il va contre l'abstinence. Quoiqu'il en soit, l'âme est appelée à soupirer doucement d'amour, si les deux regards qui se croisent sont amoureux et à soupirer tristement si une seule des deux personnes a un regard d'amour (v.1353).

Il serait étonnant que de longues et fréquentes conversations ne fassent pas naître le péché. Mène donc la juste bataille contre le mal et pense que le mal d'amour ne dure pas plus longtemps qu'un feu de paille (v.1359).

La constance est une vertu qui orne perpétuellement celui qui sait tempérer son caractère sans le durcir et dont la volonté ne dévie pas de son chemin tout en restant sous le contrôle de sa raison. La fidélité en amour est une belle chose (v.1365).

Celui qui se contente d'essayer ne sera pas heureux dans les cieux , seul celui qui ira au bout de ses actions le sera. Il ne faut pas faire confiance à l'homme inconstant dont les actions ne seront pas fondées sur les vertus divines (v.1371).

L'abstinence est le frein et la domination des passions du gourmand ; cette vertu évite les maladies douloureuses à notre corps (v.1377).

La modération consiste à trouver le juste milieu en toute chose, en évitant toujours les excès. C'est elle qui guide les autres vertus, sans sortir de son domaine et tout en combattant les vices (v.1383).

La magnanimité consiste à s'adonner, la vie entière, à des entreprises valeureuses. Celui qui semble, pour de petites actions, porter un poids et qui chemine les yeux baissés, n'est pas magnanime (v.1389).

On ne fait pas la guerre aux fourmis (c-à-d aux personnes humbles et courageuses) ; le magnanime ne s'intéresse qu'aux grandes actions (v.1395).
 

II. 12 : De la noblesse

Les cieux doivent corriger l'erreur de ceux qui appellent " noblesse " de fausses apparences. C'est ce que fit Dante (v.1409).

La noblesse est une forme de vertu qui permet de bien se conduire et que l'on attend chez un sujet doté de la bonne disposition des cieux (v.1415).

S'il s'agissait d'une qualité propre à la lignée, se serait une forme particulière d'instinct ; pourquoi alors, le fils la perderait-il en tombant dans le vice ? Or, nous voyons chez les descendants des choses contraires à ce que devrait être cet instinct propre à leur nature et de grands méchants avoir de nobles parents (v.1421).

Donc le ciel, par l'intermédiaire de Jupiter, confère à l'homme la disposition à la noblesse et c'est ce dernier qui agit selon sa propre volonté (v.1427).

Si les dispositions célestes s'ajoutent à la noblesse de la souche transmise de génération en génération, alors, cette noblesse atteint les plus hauts sommets.

Cependant, les cieux ne peuvent avoir la même configuration à chaque naissance et les descendants ne peuvent donc pas avoir la même que leurs ancêtres (v.1483).

Depuis Ravenne, Dante pose une question écrite à Cecco : comment peut-on expliquer que chez des jumeaux, le premier né soit plus noble que le second ? (v.1439).

Cecco répond à Dante : selon le philosophe (Aristote), les cieux se déplacent et présentent une étoile après l'autre ; celui qui naît reçoit des influences variées (v.1445).

Supposons que le premier naisse le matin et l'autre le soir, le ciel ne sera pas le même pour les deux frères. Si le premier est vertueux et le second un vil individu, cela signifie que les cieux étaient prodigues de bien le matin et pas le soir (v.1451).

Certains disent qu'ils sont nobles par la naissance et que leur souche a eu beaucoup de sujets et de châteaux (v.1457).

Nombreux sont ceux qui accomplissent des actes honteux en se réclamant de la noblesse de leurs ancêtres ; ils croient que leur rêve est réalité. La lignée ne transmet pas le sens du bien et ils sont aveugles (v.1463).
Il n'y a pas pire rosse qu'un destrier. Prenons l'exemple d'un Colonna qui abandonnerait les bonnes dispositions de sa lignée, pour faire le mal :il ferait le mal plus que de mesure parce qu'il en est ainsi lorsqu'une chose parfaite prend des habitudes qui lui sont contraires (v.1469).

La noblesse n'est pas accidentelle. Noble est celui qui a sa propre valeur et non pas celui qui est de vieille souche. Il est naturel que l'homme prédisposé par les cieux suive sa noble volonté mais ce n'est pas dû à sa richesse, qui peut s'envoler (v.1475).

Aucune circonstance changeante ne peut provoquer une action à elle seule ; donc la richesse ne rend pas l'homme heureux car elle peut disparaître. De même que le Soleil a le pouvoir de resplendir, et la plante celui d'absorber par ses racines, Dieu donna le pouvoir de la vertu à l'âme (v.1481)

La richesse est le flambeau qui illumine la noblesse ; mais celui qui l'utilise mal, en ne donnant pas à celui qui en a besoin, quand il en a besoin et comme il convient, sera dans la peine et connaîtra la cause de son mal (v.1487).

Qui naît d'un père noble, est noble par le sang ; celui qui est noble par vertu est fils de Dieu ; il n'y a pas de noblesse supérieure à celle-ci (v.1493).

Dieu est plus noble que l'être humain et l'âme est plus parfaite que le sang. Donc, la noblesse provenant de l'âme vertueuse est supérieure à l'autre car elle est le reflet de l'amour divin (v .1499).

Les influences célestes nous rendent différents les uns des autres, selon les mouvements des astres. Seul l'homme vertueux est noble et tout le reste n'est que vanité (v.1505).
 

II. 13 : De l'avarice

Tout a une fin ; seul l'esprit aveuglé par l'avarice n'y croît pas ; il tourne son échine courbée vers Dieu et plus il possède, plus il désire ; il ne suit pas la voie du salut (v.1513).

Ceux qui habitent les terres pontificales, près des côtes romaines, sont sujets à ce péché. Cecco se désole pour Riéti et Spolète car elles seront saccagées par les gibelins aux heaumes luisants. (v.1519).

Si saint François qui garde Assise du griffon blanc (Pérouge) ne prie pas la Sainte Croix, sa ville deviendra une caverne au milieu d'un désert récent. Et si Pérouge n'est pas rapidement punie, elle sera assaillie par son côté le moins protégé à l'aide de nouvelles armes (v.1525).

Todi, qui a eu le vent en poupe, et qui attend les gibelins en ourdissant de nouvelles machinations, verra les plaies de ses voisines dès que Saturne sera en conjonction avec Mars (v.1531).

L'avarice est la cruelle racine de tous les maux. Il vaut mieux être pauvre et heureux que riche et malheureux (v.1537).

Plus il possède, plus l'avare se préoccupe de posséder davantage ; jusqu'à sa mort c'est un imbécile qui ne sait faire que le mal (v.1549).

Chaque péché vieillit en même temps que l'homme et perd de la force en même temps que lui, sauf l'avarice. La prodigalité s'oppose à l'avarice et l'homme qui en est atteint gaspille tant qu'il ne mérite pas notre pitié [lorsqu'il n'aura plus rien ] L'avare acquiert tout ce qu'il peut, qu'elle que soit la méthode et retient ce qu'il doit donner (v.1555).

Chaque vice est dû à un astre ennemi qui, lors des changements des cieux, perd son influence bénéfique et pousse au mal (v.1561).
 

II. 14 : De l'orgueil

Rome, aux grandes entreprises, retrouvera sa puissance passée et ses coffres seront pleins d'or (v.1569).

Ses enfants, en raison de leur orgueil, l'ont conduite à un point tel que même le souvenir de sa grandeur paraît effacé. D'après ce que montre le ciel, si elle se repent amèrement de sa conduite, sa sainte terre ne deviendra pas une forêt (v.1575).

Le cercle de la justice se lamente contre elle à cause des péchés de la Romagne qui a fait couler le sang ; mais bientôt naîtront des discordes et les Français chasseront le Latin orgueilleux [le pape] (v.1581).

L'homme orgueilleux n'a pas de place sur terre et ne peut monter au ciel. L'orgueil consume les personnes et est responsable des morts brutales (v.1587).

Trois types de personnes déplaisent à Dieu : le pauvre orgueilleux et arrogant, le vieux fou pauvre, le riche menteur à l'apparence honnête, qui récite des patenôtres (v.1593).

L'orgueil est la racine de tous les péchés. C'est à cause de lui que les esprits malins voulurent prendre la place de Dieu. Ces mauvais génies descendirent sur terre où ils provoquèrent le mal et rendirent même le bien suspect.(v.1599).

L'orgueil n'est pas autre chose que de vouloir être au-dessus des autres et de se faire prendre pour ce que l'on n'est pas. L'orgueilleux croît que les autres sont des déshérités et il méprise celui qui possède la grâce (v.1605).

Il diffère de la vanité en ceci qu'il ne montre pas sa pensée et croît être supérieur à tous, tandis que le vaniteux recherche les louanges et laisse bien voir ce qu'il désire (v.1611).

L'ingratitude vient de l'orgueil et détruit la pitié en faisant oublier le bien fait par le passé. Si tu as l'affection d'un homme vertueux, vois comme il oublie sa propre liberté en souvenirs des dons passés (v.1617).

L'homme ingrat fait naître le mal car il fait tomber l'homme libéral dans le péché opposé. C'est ce qui se passe entre personnes de la même famille : le bon père chasse ainsi son fils ingrat (v.1623).

Il ne faut pas se laisser corrompre par le mauvais exemple, ni abandonner la vertu lorsqu'on sent les morsures de l'orgueil, car c'est en combattant que l'homme acquiert l'honneur. L'orgueilleux mérite d'être noyé dans la douleur car il est responsable des guerres (v.1629).
 

II. 15 : De la luxure

Bologne connaîtra la décadence à cause de la luxure de ses habitants (v.1637).

Cecco se désole pour cette ville fondée sous la protection des Pléiades, où il espère se fixer. Il se désole aussi pour Florence qui sera vaincue par les Lucquois (v.1643).

Que Pise pleure au souvenir de la bataille de Montecatini ; sa valeur sera réduite à néant par la justice divine et elle devra abandonner la Sardaigne (v.1649).

Sienne, au climat serein, pleurera également à cause de deux familles rivales et son territoire sera dévasté. Il viendra un temps où la Toscane entendra les plaintes sortir des bouches grandes ouvertes de ses fils ; ce sera le résultat de vengeances (v.1655).

La luxure est leur déesse et provoque plus de plaie dans le corps du Christ que ne l'a fait la lance des Juifs.(v.1661).

La gourmandise, la luxure et la guerre détruisent les richesses et les personnes. Les femmes et le jeu consument le corps et l'âme. A cause de la femme, le ciel se ferme et Dieu s'indigne (v.1667).

Satan se réjouit plus du péché de chair que des autres parce qu'il ne peut l'accomplir lui-même, contrairement aux autres péchés (v.1673).

L'esprit du malin supprime la bonne réputation due aux vertus et en fait courir une autre malhonnête ; il enlève le jugement, détourne les lois, transforme le désir en passion et met le ciel sans dessus dessous (v.1679).

Il est cause de la sauvage servitude de celui qui est assujetti à une femme par les plaisirs charnels (v.1685).

Il ne faut pas croire en une femme, qui est imbécile ; il ne faut pas s'enflammer pour sa beauté truquée mais il faut plutôt regarder comme son coeur est froid. Si l'homme y pense sérieusement, elle perd sa fascination lorsqu'il s'aperçoit de ses subterfuges (v.1691).

Elle exerce son regard hypocrite à pleurer, pour produire plus d'effets. De grandes peines naissent des plaisirs charnels et le temps passe sans que l'homme fasse le bien (v.1697)

Parler avec une femme est toujours une faute car son coeur est rempli de malice et cela se voit à son regard hypocrite (v.1703).

Au feu de la femme ne suffisent ni la terre ni l'enfer, son appétit n'a pas de limites. A voir à quoi réduit le désir charnel, les pensées de l'homme doivent être chastes (v.1709).

La luxure se divise en inceste, adultère, fornication et sodomie. Avec son propre sang, on commet l'inceste tandis que celui qui est marié commet l'adultère. La sodomie est horrible car elle cherche l'amour là où il ne règne pas (v.1721).

Il faut abandonner la luxure en pensant à ce qui restera des corps après la mort, on n'acquiert rien, puisque cela se réduit à néant dans le tombeau (v.1727).
 

II. 16 : De l'envie

Cecco se lamente pour son pays (vallée du Tronto) aux douces collines car il ne sait pas qui le sauvera si ses habitants continuent à être avares et envieux (v.1735).

Des temps de guerre viendront avec leur cortège de maux et même s'ils tardent, ils viendront et son pays sera saccagé (v.1741).

Selon certains signes du ciel, la prochaine année bissextile sera une année de guerre pour les habitants des Marches, envieux et avares (v.1747).

La jalousie de Recanati et de Lesi les ont tant dépavés, qu'ils ne retourneront dans le droit chemin que lorsque les deux monts qui dominent la vallée d'Ascoli, n'en feront plus qu'un (v.1753).

La Romagne, dont les habitants sont rusés comme des renards, préparent des trahisons en cachette ; elle tombera sous le joug de tyrans (v.1759).

L'envie, qui sera toujours présente dans le monde jusqu'à la fin des siècles, enlève le bon sens et consume la personne sans qu'elle s'en aperçoive, corrode l'âme et détruit le coeur. Si l'on peut trouver quelques plaisirs dans les autres péchés, de l'envie, on ne retire que douleurs (v.1765).

Elle consiste à être désolé du bonheur des autres et à se réjouir de leurs malheurs ; elle fait plus souffrir que la pauvreté accidentelle (v.1771).

Si tu veux te venger d'un envieux et le faire souffrir davantage, rapproche-toi de la vertu et désole-toi du mal des autres ; pense à l'avenir et pense aussi que la fortune tourne souvent (v.1777).

Qui se réjouit des larmes de son voisin, ne voit pas la mésaventure qui peut lui arriver et le faire gémir. Il faut tourner notre regard vers notre Seigneur crucifié et se souvenir que nous avons été créés pour la vie éternelle (v.1783).
 

II. 17 : De la gourmandise

Les Lombards gourmands se rebelleront contre l'Eglise en appelant l'Empereur. Il viendra un temps où des jeunes gens vindicatifs et fiers se rendront célèbres (v.1791).

Chacun d'entre eux, dans de sanglantes batailles, mettra à mal la puissance du Grand Lombard (Can Grande della Scala) s'il ne subit pas de revers près de l'Adda. Cecco voit tomber les Guelfes en Lombardie, si Dieu n'arrête pas l'influence de Saturne (v.1797).

Ces discordes saccageront Crémone, Padoue, Milan et Plaisance. L'auteur ne dit rien de Mantoue et de Vérone car il ne sait pas sous quel ciel elles ont été fondées (v.1803).

La douce plaine de Lombardie sera toujours soumise aux tyrans si ses habitants, qui sont de grands gourmands ne se tournent pas vers Dieu (v.1809).

Celui qui ne met pas de frein à sa gourmandise ne peut vaincre ses autres vices ; elle enflamme la luxure, détruit la mémoire, enlève le bon sens, corrompt le sang dans les veines et l'homme meurt d'apoplexie (v.1815).

La gourmandise affaiblit l'âme et la langue, supprime la compréhension du Bien ; celui qui en est la victime, engraisse tant qu'il meurt en suffoquant. Il termine sa vie dans le déshonneur, sans espoir de gloire. Le corps souffre de grandes douleurs, l'âme est privée de vertu et pleure après sa santé (v.1821).
 

II. 18 : De la vanité et de l'hypocrisie

Celui qui désire des louanges pour un Bien honnêtement acquis, est vertueux et sa valeur s'accroît avec sa renommée ; mais les vaniteux qui veulent acquérir des louanges imbéciles sur des apparences, outrepassent la juste mesure et atteignent le but opposé (v.1829).

Que celui qui refuse les vraies louanges, n'espère pas en recevoir . il n'y a pas toujours de fruits là où il y a du feuillage bien vert, ni de trésor là où brille la lumière : celui qui le croit s'écarte de la vertu (v.1835).

Plus l'homme est différent de ses apparences, plus il désire les louanges pompeuses et plus il méprise les autres. C'est l'âme de l'hypocrite qui se réjouit de la vanité et porte son intelligence vers la fantaisie (v.1841).

La fausse renommée dure peu pour qui parle bien et vit dans le péché. Qui veut cacher ses mauvaises actions et faire passer pour blanc ce qui est noir, sera vite démasqué (v.1847).

Laisse les autres faire ton éloge et tais-toi, alors tu n'auras pas honte. Les autres sont sourds à nos propres louanges et elles déplaisent beaucoup aux vaniteux (v.1853).

La vanité est le contraire de la magnanimité et veut plus de louanges que n'en donne le mérite. Ce vice est moins nuisible que les autres, mais cependant, il nuit au vaniteux lui-même car il aveugle son âme qui ne pense alors, plus à son salut (v.1859).
 

II. 19 : De la colère et de la paresse

La colère est un accès de sang dans le coeur que le mépris embrase et fait crier vengeance à l'âme. Le soudain mépris détruit le grand amour (v.1867).

Là où règne l'amour parfait, il n'y a pas de mépris. La douce colère qui anime l'homme amoureux est une belle chose car elle l'oblige à faire la paix (v.1873).

L'accès de jalousie, accompagné d'une forte colère, chez celui qui ne pense pas aux conséquences de ses actes, conduit à la mort. Les paroles spontanées, proférées sous l'emprise de la colère, provoquent la mort de celui qui les prononce et l'âme reste seule, désespérée (v.1879).

Trois choses calment le coléreux : lui répondre calmement, ou se taire, ou s'en aller jusqu'à la fin de sa colère. Lorsque l'homme est en colère, ses yeux ne montrent pas la vérité à l'âme et elle n'est plus liée à la raison (v.1885).

La colère des fous se manifeste par des paroles ou des cris, mais celle des sains d'esprit réside dans leurs actes ; savoir réfréner ces actes atroces, rend l'âme belle (v.1891).

La paresse consiste à abandonner ses actes dès leur commencement, sans finir de les accomplir. Les gens qui en sont atteints ne font rien de bien, comme s'ils étaient fatigués du bien lui-même (v.1897).

Ici finit le discours sur les vices (v.1903).


Référence de la page :
Cecco d'Ascoli: L'Acerba (Livre II)
http://cura.free.fr/docum/22cecco2.html
(traduction de Marie-Claude Ramain)
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