CORPUS NOSTRADAMUS 192 -- par Patrice Guinard

Iconographie Nostradamus 2 : Les Portraits
 

Il n'existe en réalité qu'un portrait de Nostradamus, le médaillon gravé par Pierre Woeiriot en 1562. Tous les autres sont des variations qui s'en inspirent, y compris celui peint par son fils César un demi-siècle après la mort de son père ! La même image de Nostradamus circule encore en 1966 pour le quadricentenaire de sa mort (médaille de bronze de 6.8 cm par le graveur Henri Dropsy pour la Monnaie de Paris, n.87816).

Seul le médaillon Woeiriot semble refléter le caractère attentif, pénétrant et clairvoyant qu'on imagine chez Nostradamus. Le portrait de son fils César le montre plutôt désabusé et désenchanté : César croit reproduire l'expression de son père, mais c'est la sienne qu'il exprime. Dans une veine assez proche, le portrait de l'église Saint-Laurent le montre quelque peu accablé et abattu. Le portrait du musée Calvet le représente plus espiègle et curieux. Celui de Knorr (XVIIIe) le peint parcimonieux et tracassier. Le portrait Granet (XIXe) en fait un bourgeois suffisant et assouvi.

Médaillon Woeiriot, 1562
Portrait Knorr, 1725
Médaillon Woeiriot, 1562

Le seul portrait gravé connu du vivant de Nostradamus (âgé de 59 ans et la
tête couverte d'un chaperon) par le graveur lorrain Pierre Woeiriot dit de
Bonzey (1532-1599) qui travaillait à Lyon à cette époque. Woeiriot s'était-il
déplacé à Salon ou Nostradamus fit-il un passage à Lyon pour l'occasion ?

"M. NOSTRADAMVS AETATIS LVIIII. ANN.
Me victum baccho lachrymas [lacrimas] effundere dicunt. 1562.
FOLLIX O NIMIVM [sic : pour OMNIVM] PRIOR AETAS (60 ?)."

(M. Nostradamus à l'âge de 59 ans. Ils disent que, vaincu par l'ivresse,
je verse des larmes à Bacchus. 1562. Tous fous (?) Avant 60 ans.
)

Wellcome Library, London: n.7477i ; BNF Paris: Ed.5.b. Res. fol.36 (diamètre 12 cm),
signalé et/ou reproduit par :
1- La Croix du Maine, 1584, p.331 : "protraict en l'an de son âge 59 & de salut 1562."
2- Robert-Dumesnil, 1844, n.300 p.118
3- Jacques Boulenger, Nostradamus, 1933, p.42
4- Jean Monterey, Nostradamus prophète du vingtième siècle, 1963
5- Renate Burgess, 1973, n.2161.3
6- Michel Chomarat, 1976, p.19
7- Cahiers Michel Nostradamus 1, 1983, p.8
8- Historama (La vérité sur Nostradamus), 1985, n.19
9- Éric Visier, 1995, n.6
10- Louis Boulanger, 1998, p.26
11- Nostradamus ou l'Éclat des Empires, 2011
Portrait G. W. Knorr, 1725

Portrait tardif reproduisant l'essentiel du médaillon Woeiriot
par le graveur allemand Georg-Wolfgang Knorr (1705-1761)
15.4 x 10.2 cm
Gallica ; British Museum: Bb,14.132 ; Wellcome Library, London: n.7478i

Le portrait est paru dans les Icones Virorum omnium
Ordinum eruditione optime meritorum
(Nuremberg, 1725)
de Friedrich Rotscholz (1687-1736)

Sous le portrait :
"MICHAEL NOSTRADAMVS, San-Remigius,
Praestantissimus sui temporis Mathematicus et
Henrico II Galliarum Regi diem fatalem praedixit.
[A prédit au roi Henri II le jour de son décès]
Natus A(nno) 1494 [sic]. Den(atus) A(nno) 1566
d(ie) 2 Iulii, aet(atis) 72 [sic]"


Nostradamus né en 1494 et décédé à 72 ans !
- typique de l'obscurantisme du siècle dit des Lumières -


Portrait par son fils César de Nostredame, 1614 ou 1617
Portrait par François Granet, vers 1846
Portrait par son fils César de Nostredame, 1614 ou 1617 (bibliothèque Méjanes à Aix)
Huile sur plaque de cuivre (18 x 16 cm) acquise en 1834 par la Méjanes
(qui s'inspire du médaillon sur cuivre de 1562)

Dans une lettre adressée à Pierre d'Hozier, datée de Salon le 3 novembre 1617, César écrit : "je peins en petit mieux que jamais et fay des pourtraicts et des Nostredames à l'huylle dans des ovalles de la grandeur d'un sou sans lunetes, où la mere et le fils sont tout entiers, au moins la mere jusques aux genoux" (César, L'entree de la Royne en sa ville de Sallon, Marseille, Librairie provençale V. Boy, 1855, p.68 ; Louis Mouan, conservateur à la Méjanes, "Aperçus littéraires sur César Nostradamus et ses lettres inédites à Peiresc", in Mémoires de l'Académie des sciences, agriculture, arts et belles-lettres d'Aix, 10, 1873, p.446 ; et vente Kaupp à Sulzburg, 07-12-2012).

Marque prétentieuse de César autour de l'ovale en bas : "Caesaris est nati patris haec Michaelis imago / Edit hic hunc genitor, prodit hic ille patrem / Sic pater est natus nati, pater est quoque patris / Natus et hinc rebus numina sacra rident." ("Cette image de Michel le père est de César le fils. Celui-là a engendré celui-ci, lui a produit le père. Ainsi le père est né du fils, le fils est aussi le père du père, et voila pourquoi les dieux lui sourient." Traduction Étienne Rouard (bibliothécaire en chef de la Méjanes entre 1830 et 1872), in Mouan, p.447-48).
Portrait tardif de Nostradamus par François Granet, vers 1846
(Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon)
(peint d'après l'original de la Méjanes et souvent confondu avec lui !)

 

 
Et au-dessous : "CLAROS CLARA DECENT / Caesar Nostradamus Salonis Patricius /
Musaeo Francisci de Pererio 1614 DCXIIII"
(selon Busquet, 1950, p.185, lequel note que les dates
sont effacées et peu lisibles : lire plutôt "1617 DCXVII" ?) Le portrait est dédié par César à l'écuyer
François du Perier (ca. 1557-1623), premier consul d'Aix en 1593 et ami de Malherbe.
Inscription à l'encadrement de l'ovale : CLARISSIMVS MICHAEL NOSTRADAMVS CONSILIARIVS
ET MEDICVS REGIVS GALLIAE ORACULUM ET PATRIAE DECVS AN AETATIS LXIII
"Le très illustre M. N., conseiller et médecin du roi, oracle de la France et gloire de la patrie,
dans sa 63e année" (un Nostradamus idéalisé, imaginé en 1566, l'année de sa mort !)

Portrait de Nostradamus, XVIIe siècle, Musée Calvet d'Avignon
Portrait de Nostradamus, XVIIe siècle (église Saint-Laurent de Salon)
Portrait de Nostradamus, XVIIe siècle (Musée Calvet d'Avignon, cote 842-4)
Huile sur plaque de cuivre (ca. 38 x 29 cm), acquise en 1842 par le musée Calvet,
attribuée à César d'après l'inscription de l'ovale et qui s'inspire du portrait de la Méjanes.
Je doute que César en soit l'auteur (différences dans le trait, les lettrages, etc.)

Inscription à l'encadrement de l'ovale : CLARISS. MICH. NOSTRADAMVS REGI
CONCILIARI ET MEDIC. ANNVM ACENS. LVIIII. Caesaris Nostrad. filii Patritii opus.
Aux écoinçons supérieurs : SOLI DEO ; aux inférieurs : INTER ET ILLVSTRES,
Semper venerande Michael / TV GALLIS SYDVS, tu decus omme tuis
Et en bas sous l'ovale, le texte de l'épitaphe de Nostradamus d'après
la version de César (cf. CN 10) suivie d'une date effacée : 1597 ou 1697 (?)
Portrait de Nostradamus, XVIIe siècle (église Saint-Laurent de Salon)
Huile sur plaque de cuivre (33 x 25 cm)
D'après l'original du musée Calvet (ou l'inverse ?) et corrigeant "ACENS" [sic] en "AGENS".

Buget (1863, p.524) ; Gimon (1882, p.250) ; Busquet (1950, p.186-187, d'après John Lough, "Locke's Reading during his Stay in France (1675-79)", in The Library, 5.8, Oxford University Press, 1953, p.229-58), qui ignore encore l'existence des deux portraits (celui du musée Calvet et celui de l'église Saint-Laurent) ainsi que la version de l'épitaphe donnée par César en 1614 ou 1617), note que le célèbre Locke a recopié les inscriptions du portrait de l'église Saint-Laurent en 1676 (avec "AGENS").
Ce portrait, établi d'après le médaillon, pourrait être celui signalé par César dans son Histoire,
mais dont il ne s'attribue pas explicitement la paternité (cf. CN 10).

Nostradamus à Salon en 1564
Nostradamus à Salon en 1564
Nostradamus à Salon en 1564
Albâtre en bas-relief du XVIe siècle représentant Charles IX tendant une bourse à Nostradamus appuyé
sur sa canne et coiffé d'un turban (cf. au CN 161 les éditions bordelaises Abegou de 1689, où
Nostradamus apparaît en turban). Cet albâtre est l'une des deux plus anciennes représentations de
Nostradamus (de son vivant ?). Hormis le médaillon et peut-être cet albâtre, toutes les autres
représentations sont posthumes.
Nostradamus à Salon en 1564
Catalogue Michel de Bry, 1966, n.68, p.34-35 (planche 3 p.35),
9.5 x 12.5 cm, dans un cadre doré 19.8 x 22.9 cm

Charles IX "estoit assis sur un cheval Afriquain, de manteau gris, harnaché de velours noir à larges
passemens & franges d'or" et Nostradamus avait "son bonnet de velours d'une main, & un gros
& tres-beau jonc marin d'Indie emmanché d'argent de l'autre, pour s'appuyer durant le chemin"
(César, Histoire, p.801-802).

Portrait de Nostradamus, Léonard Gaultier, ca. 1600 Pourtraictz de plusieurs hommes illustres, Gaultier, ca. 1600
Portrait de Nostradamus par Léonard Gaultier (ca. 1600)
4.4 x 2.8 cm. Attribué au graveur Léonard Gaultier (ca. 1561-1635), appartenant à une série de 144 portraits (18 x 8) et paru dans une estampe intitulée Pourtraictz de plusieurs hommes illustres qui ont flory en France depuis l'an 1500 jusques à present (Paris, Jean le Clerc, ca. 1600) ; BNF Paris: Res FT6-QB-201(172) ;
copie Gallica ; copie British Museum
Nostradamus entre Belon et Philander (ca. 1600)
Nostradamus y figure à la 129e place (en comptant de gauche à droite et de bas en haut) entre
le naturaliste Pierre Belon et le chanoine de Rodez Guillaume Philander.
Intitulé de la notice le concernant : "Michel Nostradamus de S. Remy en Provence, Medecin du Roy,
grand Mathematicien & Astrologue deceda à Salon de Craux le 2 Iuillet 1566 aagé de 62 ans."

Le portrait est repris dans Le théâtre d'honneur de plusieurs princes anciens et modernes (Paris, 1618), puis
en 1621 et 1622 dans d'autres ouvrages (cf. Chomarat, 1976, p.19 et Cahiers Michel Nostradamus, n°1, 1983).

Portrait de Nostradamus (ca. 1650)
Portrait de Nostradamus (ca. 1650)
Portrait de Nostradamus (1651)
Portrait de Nostradamus (ca.1642)

"A. L. pinxit. (...) Boulanger sculp."
(peint par A. L. et gravé par Boulanger)
Paris, chez Odieuvre, marchand d'Estampes
"Michel Nostradamus Médecin" du graveur troyen
Jean Boulanger (ca. 1608-1680), originaire de Troyes

° BNF Paris, Estampes: Ed.33 a fol. N 2
° Wellcome Library, London: n.7476i
- Mercure de France, dec. 1742, p.2916
- Catalogue Coste, Lyon, 1853, n.14625
- Eugène Defrance, 1911, p.121
- Renate Burgess, 1973, n.2161.2
- R.A. Weigert 2, 1951, pp.31-32, nn.172-173
- Chomarat, 1976, pp.19-20
Autre portrait de Nostradamus par Boulanger (av. 1650)

"Boulanger fecit."
"Ex antiquitate renascor" à l'ovale
(23.3 x 17 cm ; British Museum: O,6.285)

Note latine se référant probablement à l'une des éditions troyennes
du milieu XVIIe siècle (1649 ou "1605", "1611", "1568" antidatées).
Roger Weigert décrit 3 états du même portrait en plusieurs épreuves
dans son Inventaire du fonds français (Bibliothèque nationale,
Département des estampes). Graveurs du XVIIe siècle
,
Paris, Bibliothèque nationale, vol. 2, 1951, p.32).

Portrait de Nostradamus (d'après Boulanger), 1651-1652

Un portrait similaire aux précédents figure au frontispice des avertissements
et mazarinades de Mengau, parus à Paris en 1651-1652 chez Jean Boucher,
Jean Brunet, Jean Petrinal et Bastien Orpheure (cf. CN 130) : 1) sur la
fuite de Mazarin 2) sur le retour funeste de Mazarin 3) sur la paix
générale prédite par Nostradamus...

Portrait en ovale avec l'inscription :
"Michael Nostradamus Salonae Peterae [sic] Provinciae
Oraculorum Princeps"
[Prince des Oracles]


Portrait de Nostradamus, in Guynaud, 1693 Portrait de Nostradamus, in éd. Jean Viret, 1697 Portrait de Nostradamus non identifié d'après César, XVIIe
Portrait de Nostradamus gravé par Jean Sauvé, fin XVIIe

D'après le portrait Boulanger, et inséré
dans l'ouvrage de Balthasar Guynaud (1693) :
La concordance des Prophéties de Nostradamus avec l'histoire.
Portrait de Nostradamus gravé par Jean Sauvé, fin XVIIe

Similaire au portrait précédent, et inséré
dans une édition lyonnaise des Prophéties
imprimée par Jean Viret (1697) : cf. CN 161.
Portrait de Nostradamus non identifié d'après César, XVIIe

17.8 x 14.3 cm (British Museum: 2006,U.2690)

Ce portrait anonyme s'inspire des portraits attribués à César
avec le blason, la devise "Soli Deo", l'épitaphe latine
mentionnant 10 jours, et sa traduction française.


Portrait de Nostradamus par Louis David, 1716 Portrait de Nostradamus par Johann Schellenberg, fin XVIIIe Portrait de Nostradamus par Aure Billette, ca. 1754
Portrait de Nostradamus par Louis David, 1716

Ruzo a identifié l'origine de ce portrait, parfois joint aux éditions
dites "Jean Vallier" du "Convent [sic] de Salon des Mineurs Conventuels
de Saint François" avec la date "1566", et portant au titre les
données truquées "Lyon, Pierre Rigaud, 1566", en réalité des
contrefaçons avignonnaises du premier quart
du XVIIIe siècle (cf. CN 171).
Portrait de Nostradamus par Johann Schellenberg, fin XVIIIe

Portrait tardif par Johann Schellenberg (1755-1806)
se trouvant à la Bibliotheca Hertziana de Rome.
 
Portrait controuvé et propagande obscurantiste,
propre à l'esprit railleur et décadent du XVIIIe français :
"Par des vers plus obscurs que ne fut le Cahos
Je me suis fait donner le surnom de Prophete
Mais la gloire est bien imparfaite
Quand l'on n'est que celui des sots."

Portrait de Nostradamus par Aure Billette, ca. 1754

15 x 10 cm. Autre épreuve plus tardive :
à Paris, chez Petit, "à la Couronne d'Epine"

- BM Lyon: fonds Coste, estampe 14624 ; BNF Paris
- Mazarine, Paris ; Wellcome Library, London: n.7475i
- Mercure de France, Octobre 1754, p.215
- Burgess, 1973, n.2161.1
- Cahiers Michel Nostradamus 3, 1985, p.31
- Guinard, CN 222, 2018

Portrait de Nostradamus par Christian von Mechel, 1762 Portrait de Nostradamus, in Jacques Boulenger, 1933 Portrait de Nostradamus par Marius Muraour, XXe
Portrait de Nostradamus par Christian von Mechel, 1762

Autre portrait controuvé : 34.5 x 24.5 cm.
Dédié à Dom Boniface d'Anethan,
Capitulaire de l'abbaye princière de Notre-Dame
des Hermites (à Einsiedeln) et Pronotaire apostatique.
- CAT Brandes, ed. Huber, Leipzig, 1793, p.367

Le graveur suisse Christian von Mechel (1737-1818)
s'inspire d'un portrait du XVIIe siècle du peintre
néerlandais Gabriel Metsu (1629-1667).
Portrait de Nostradamus, XXe siècle

Portrait de Nostradamus reproduit d'après la "Chronologie collée"
(Léonard Gaultier, ca. 1600) selon Jacques Boulenger (1933),
en réalité assez proche du portrait inversé Jean Boulanger.
Profil de Nostradamus à 51 ans ?

Médaillon du sculpteur marseillais Marius Muraour (ca. 1955-1960 ?),
d'après un portrait gravé sur rubis par le peintre, graveur et émailleur
Léonard Limosin (ou Limousin) (ca. 1505-1576) qui daterait de l'une des
rencontres de Nostradamus avec Catherine de Médicis (1555 ?).

La bague aurait été offerte par Nostradamus à Edouard Leydet,
et transmise pendant des générations jusqu'à son possesseur
dans les années 1960, un certain Paillaud-Leydet, auteur d'un
manuscrit de 300 p. sur "la véritable signification des Centuries"
(selon Camille Rouvier, Nostradamus et les de Nostredame,
Marseille, La Savoisienne, 1964)


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Patrice Guinard: Iconographie Nostradamus 2 : Les Portraits
http://cura.free.fr/dico8art/1502icon2.html
11-02-2015 ; updated 04-04-2020
© 2015-2020 Patrice Guinard