CORPUS NOSTRADAMUS 141 -- par Patrice Guinard
Ressentiment d'un astrologue envieux : Les ragots de Laurent Videl sur Nostradamus (1558)
En 1558, Nostradamus fait paraître son second livre des Prophéties, vraisemblablement chez Antoine du Rosne, l'imprimeur du premier. Il est au sommet de sa gloire. L'érudit J-C Scaliger décède en octobre après avoir laissé trois méchants poemata contre son ancien collègue et ami (cf. CN 89). Cette année-là paraissent aussi à Paris la troisième édition d'une "premiere invective contre Monstradamus" écrite par le calviniste Théodore de Bèze qui prend pour surnom ironique "Hercules le François", "Le fol s'y fie de Monstradabus" (une autre pièce calviniste hostile à Nostradamus), le Brief discours de Léger Bontemps, et vraisemblablement par le même Bèze, sous le nom d'emprunt "Jean de La Daguenière", une seconde invective intitulée "Le monstre d'Abus" (cf. CN 23, 57, 76 et 109). Cette même année est encore imprimée dans la cité des papes, anonymement au titre, la "Declaration" d'un astrologue praticien et auteur d'almanachs annuels, Laurent Videl, qui a "le ton d'un cafard et le venin de la vipere" (Buget, 1861, p.260).La prolifération de ces écrits polémiques en un temps si court, n'a pas d'équivalent à cette époque, hormis celle des opuscules partisans qui abondent à Genève, à Paris et dans les provinces entre les deux camps idéologiques pro aut contra la nouvelle religion, ses desiderata et ses prétentions. Les pamphlets anti-nostradamiens spécifiques s'amenuisent par la suite puis disparaissent après 1562, pour laisser place aux imitateurs puis aux contrefacteurs de ses oeuvres, même s'il est presque assuré qu'un bon nombre de textes gênants ont été détruits, notamment ceux publiés au cours des deux décennies 1565-1585. Beaucoup plus tard, dans le courant des XVII et XVIIIe siècles, ce seront l'ignorance, l'indifférence et le silence qui seront adoptés dans les cercles littéraires, les clubs de savants, et les rassemblements d'esprits forts. Nul pire ignorant que celui qui croit savoir. Ces trois modalités en charge de l'éradication de la différence (par la diatribe, par la falsification, et par la censure) au service d'intérêts idéologiques sont aujourd'hui utilisées contre l'astrologie sérieuse et contre tout discours qui n'épouse pas le contenu insipide des bavardages consensuels et formellement formatés, qu'ils soient de tendance populiste ou d'inspiration académique (cf. CN 59).
Le traité de Videl, à première vue injurieux, haineux, voire diffamatoire envers Nostradamus, mérite pourtant ce travail de transcription en raison des informations de première main qu'il recèle. Passée l'indignation légitime, on relèvera certaines observations critiques concernant les faiblesses techniques de l'astrologie de Nostradamus, et l'on essayera de le relire avec indulgence, sérénité, voire amusement. Les adversaires modernes de Nostradamus, à la suite et sous l'autorité de P. R. Brind'Amour, excellent technicien et connaisseur de l'astrologie ancienne, citent à l'envi le traité de Videl afin de souligner que Nostradamus ne savait ni dresser un thème, ni se servir des tables et éphémérides existantes (mais cf. CN 52), eux qui ne connaissent presque rien de l'astrométrie et qui sont probablement beaucoup moins capables d'opérer en la matière que l'astrophile salonnais (p. ex. Lemesurier, 2003, p.117).
Ma transcription reste fidèle au texte, y compris à ses innombrables fautes et erreurs typographiques. J'accentue la préposition /à/ et parfois /là/ et /où/ , supprime les traits d'union en fin de ligne (sauf au titre), et maintiens les confusions fréquentes entre démonstratifs, possessifs et pronominaux. Mon texte s'accompagne de notes entre crochets ou parenthèses. Je marque en gras quelques passages importants pour diverses raisons. Videl, se présente comme un astrologue, à qui, en tant que spécialiste, aurait été commandité ce pamphlet (cf. f. B4v). L'orthographe "Nostramus" à la préface et à la fin du texte, est probablement intentionnelle : "nous nostrons" Nostradamus, i.e. "nous le donnons et le tournons à notre manière" !
[Laurent Videl]
141A Declaration des abus ignorances et seditions de Michel Nostradamus, de Salon de Craux en Provence
oeuvre tresutile & profitable à un chacun. Nouvellement traduit de latin en Francoys
Avignon, Pierre Roux & Ian Tramblay, 1558, in-4, 44 pp.
° BnF Paris: rés. Ye 433 (= B. Royale: Y 4629)
° Arsenal Paris: 4 S 3827
- Du Verdier, p.786 (in-8)
- Draudius, Bibliotheca exotica, 1610, p.127
- CAT La Vallière 1784, n.15864
- Ebert 2, 1830, c.210, n.14898-A
- Bareste, 1840, pp.72-75 (in-8 ; mentionne un exemplaire de Ste-Gen. "dans une collection in-4 de pièces détachées" : cote Z 899)
- Bibliophile belge 5, 1848, p.104
- Rochas, 1860, p.473 (in-8)
- Buget, 1861, p.260-5 (signale un exemplaire à la Sainte-Geneviève, et attribue un peu vite le texte à Pierre Viret)
- abbé Auguste Lecanu, Histoire de Satan, Paris, Parent-Desbarres, 1861, p.324 (in-8 ; sans nom d'éditeur)
- Lacroix, 1862, p.257-8
- Brunet 4, 1863, c.107
- Graesse 4, 1863, p.690
- Brunet 6, 1865, c.536
- Barbier, Anonymes, 1872, c.845
- Reboul, 1876-77, n.474
- Houzeau / Lancaster 1, 1887, n.4872
- Baudrier 1, 1895, p.392
- Kellen, 1904, p.921
- Delpy 2, 1911, n.1826
- Parker, 1920, p.59 & p.148-9
- Pansier 2, 1922, p.146
- CAT Waller, 1955, n.20380 (identifie Videl à Pierre Viret)
- Leoni, 1961, p.89
- BB Aureliana 6 (Avignon), 1970, p.40
- Millet, 1987, p.107
- Chomarat, 1989, n.32
- Benazra, 1990, p.32
Laurent Videl fut un médecin briançonnais, astrologue, et auteur d'almanachs dont il n'existe plus qu'une copie des privilèges pour les années 1559 et 1560 aux Archives Départementales du Rhône (cf. CN 24). Bareste l'a confondu avec son petit-fils Louis Videl (1598-1675), fils de Jacob Videl et auteur d'une Histoire de la vie du connétable de Lesdiguières (Paris, 1638) : "Il fut secrétaire des ducs de Lesdiguières, de Créqui, et du maréchal de L'Hospital ; il écrivit une insipide apologie publiée en 1566, et ayant pour titre Histoire du duc de Lesdiguières." (Bareste, 1840, p.73, recopié par d'autres, de Parker (1920, p.148) à Ovason (2001, p.107) ; mais cf. Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné, T 2, 1860, p.473, et surtout M. Chabrand, "La famille Videl", in Bulletin de l'Académie Delphinale, T 15, Grenoble, 1880, p.165-174).
Le traité de Videl est probablement un ouvrage de commande. Un certain Guilhaume Radamant, marchand avignonnais, a passé commande, le 19 avril 1558, d'un tirage du traité pour 66 rames de papier (Archives du Vaucluse, Acte notarié fonds Pradon, n.108, f.260 ; in Pansier 3, pp.159-160). L'impression est achevée quatre mois plus tard, le 19 août 1558. On ignore s'il s'agit du premier tirage, mais il est très important pour l'époque : 66 rames à 500 feuilles font 33.000 feuilles, soit, multipliées par quatre (format in-quarto) et divisées par 22 (feuillets), 6000 exemplaires, dont il n'en subsiste que deux, dans des bibliothèques parisiennes.
Si le marchand Radamant est bien le premier commanditaire de l'ouvrage, il faudra accepter avec précaution les dates de la préface (le 20 novembre 1557) et de l'achevé d'imprimer (le lendemain, 21 novembre 1557, en Avignon, au feuillet F2v), comme la mention usuelle d'un ouvrage prétendument traduit du latin. Il semble bien au contraire que le texte provienne directement d'un français proche de la diatribe orale, et soit destiné aux amateurs de ragots. L'astrologue, fort bien renseigné, aura choisi ses dates, après avoir pris connaissance d'un texte de Nostradamus dans lequel il s'est vu mouché pour son activisme et ses intrigues (cf. CN 76). Il en résulte encore que le traité du pseudo-Daguenière, Le monstre d'abus, qui lui reprend des anecdotes et certaine terminologie, serait paru après août 1558 (cf. CN 76).
Les termes "abus", "ignorances" et "tromperies" abondent dans le texte de Videl, qui a pu s'inspirer, d'abord au titre, de la Declaration des abuz et tromperies que font les Apoticaires composée par Maistre Lisset Benancio (pseudonyme de Sébastien Colin), imprimée à Tours en 1553, puis à Lyon chez Michel Jove en 1556 (cf. l'édition Paul Dorveaux, Paris, H. Welther, 1901), et également de la réponse des apothicaires aux médecins, parue en janvier 1558, soit quelques mois avant l'ouvrage de Videl (cf. Pierre Braillier, Declaration des abus et ignorances des Medecins, oeuvre tresutile & profitable à un chacun studieux & curieux de sa santé, Lyon, Michel Jove, "1557", i.e. 1558 nouv. st.).
L'ouvrage de Videl est important car il recèle des extraits perdus des almanachs nostradamiens (non retenus par Chavigny) et atteste de la parution des Prophéties en 1557-1558. Les publications annuelles retenues par Videl sont les suivantes : la Pronostication pour l'an 1552, l'Almanach pour l'an 1553, les Présages Merveilleux pour l'an 1555, l'Almanach pour l'an 1556, les Présages merveilleux pour l'an 1557, l'Almanach pour l'an 1557, la Pronostication pour l'an 1557, auxquelles il faut ajouter l'Excellent & moult utile Opuscule (1555) et les Prophéties (probablement d'après la seconde édition Du Rosne à sept centuries, perdue, datée du 3 novembre 1557, et non d'après sa contrefaçon, mise sous son nom et plus tardive).
DECLARATION
DES ABVS IGNORANCES ET
seditions de Michel Nostradamus, de
Salon de Craux en Provence
oeuvre tresutile & profita-
ble à un chacun.
Nouvellement traduit de latin
en Francoys.
[VIGNETTE]
Avec Privilege.
Imprimé en Avignon par Pierre Roux,
& Ian Tramblay.
1558
Laurens Videl au Lecteur
Salut & paix.
Si en lisant ces presens abus (amy lecteur) il te semble
que je passe les bornes d'un chrestien en semblant
avis qui [sic] je prens vengeance de l'injure que contre
Dieu & raison & sans nulle cause Michel Nostramus [sic]
m'a fait & que pour l'office d'un vray chrestien je luy
devoys plustost randre bien pour mal. Saches que quant le tout
sera bien pezé & consideré, l'on trouvera que tout ce que j'ay
fait à l'encontre de lui est pour son grand bien profit & utilité mesmes
au salut de son ame s'il ce [se] vient chastier de fere ses badinages :
car mon intention n'est autre que le divertir de certains points
caracteres, & autres folles reveries qu'il use & vient semer de grans
erreurs par tout le monde contre toute regle d'astrologie pour le
fere retourner au droit chemin de verité, & s'il veut fere preditions
ou almanachz cecy luy servira de guide pour le conduire aux vrays
principes d'astrologye lesquelz il n'a jamais entandus. Davantage
pour divertir le peuple de ne s'amuser à aucuns badinages & abus
contravenant à la divine majesté de Dieu & aux commandemens
de l'eglise qui n'a jamais permis sourciers ni enchanteurs. Et par
ainsi chacun pourra cognoistre que l'astrologie ne nous aprend
point à fere du seducteur ni de donner la bonne aventure aux gens,
par le seul aspect de certeynes lignes que les chyromanciens ont
experimenté. Et prye affectueussement [sic] les lecteurs que s'ilz ont
quelque mauvaise opinion de l'astrologie qu'ilz s'en viennent à
divertir, sachant qu'aucuns sortileges maleficques n'ont aucune
acointance ny affinité avec l'astrologie, ains luy sont totalement
contraires, & sont abominables, contravenants à la religion
chrestienne : car à la fin viennent conduyre ceux qui en uzent à l'acointance
des malins espritz autheurs de toute tromperie & mensonge
mettant à perdition tous ceux qui une fois sont forcenez & infestez
de telle peste, mais l'astrologie ne se conduit par telles frivoles
vaines & exterieures observations masques caracteres nicromantie
& autres telles observations paganiques. Ains par elevation
d'esprit & continuel labeur, conduit par la faveur & grace de Dieu
[A 2 r]
en faisant les jugemens des corps celestes par raisons physicques &
naturelles, en sorte qu'ilz nous tesmoignent l'admirable sapience
de l'omnipotent en anonçant sa gloire, qu'est un vray tesmoignage
qu'à Dieu seul faut reserver l'honneur & luy rendant gloyre &
grace, en remettant le tout à son omnipotence à qui tout est suject,
en sorte qu'aucune influence que les estoilles nous promettent
& viennent à signifier, ne nous peut faire bien ny mal si ce n'est
son bon plaisir, car c'est celuy qui peut destourner tous mouvements
& les faire aller contre leur naturel s'il est son bon plaisir,
qu'est chose bien evidante que les astrologiens ne doivent parler
ny dire qu'un tel fait viendra pour seur, ainsi que faict c'est [cet] phanaticque
de Nostradamus qu'en ces folles resveries, use continuellement
de ses motz infalliblement & pour seur qu'est un blapheme [sic]
intollerable, en sorte qu'un chacun se doit essayer à repouser tous
ceux qui nous viendront faire entendre telles folles inventions
qui ne servent qu'à porter dommage tant au salut de noz ames que
de la republicque, mesmes je prie messieurs les prelats pasteurs &
autres qui ont charge en l'Eglise y vouloir adviser en donnant
ordre que telles resveries qui ne peuvent que troubler les pauvres
consciences debiles ne se viennent ainsi publier, car à eux apartient
de chasser toutes folles curiositez qui se veulent par trop enquerir
des mysteres que Dieu seul c'est reservé, & toutes autres
vanitez, observations, superstitions qui ont esté de long temps par
bonne raison deffendues en separant le meschant du bon à fin que
avec le temps le tout ne soit corrompu par ses temeraires & ignorans,
faisant en sorte que le tout soit à la gloire du nom de Dieu &
augmentation de la saincte eglise avec toute paix & concorde,
voyla donc la principale cause qui m'a esmeu à luy demonstrer ses
abus & ignorances, à fin qu'il ne vienne à tomber du tout en ses
dangers que j'ay predit. Et combien que ces fautes icy que je luy
recite soient grandes & insuportables fort evidentes, il n'en sont
rien au pris de celles que je taise, lesquelles je luy demonstreray
toutes & quantes foys que l'occasion le presentera non seulement
à luy ains les publieray à un chacun s'il ne se chastye de faire ainsi
du triacleur {= vendeur ambulant de thériaque, de poison} & aracheur de dens, car il est cause que plusieurs
tiennent ceste science superstitieuse & reprouvée, laquelle est louable
et ne passe les mectes {ou metes = limites, bornes} de nature. Car tout ainsi que l'experience
nous fait juger que le feu est chaut & l'eau froide & humide,
semblablement nous cognoissons toutes choses qui sont ça bas recevoir
[A 2 v]
chaleur par le soleil & humidité de la lune. Ainsi par ceste
science jugerons que la conjonction de mars à saturne au signe
du lyon, nous vient causer grand chaleur & siccité, & juppiter
conjoinct à la lune au signe de cancer nous vient faire croistre &
augmenter les humeurs & ainsi des semblables, en nous gardant
d'y mesler choses qui ne proviennent aucunement des influances
des astres, comme sont tous sortz & divinations que Ptolomeus
apelle araitiolopèta [sic : anaitiologèta ? "ce dont on ne peut dire la cause"]
lesquelz je laisse à present en les remettant à une
autre foys, pour les declarer par le menu. A Dieu d'Avignon ce
xx Novembre 1557.
[A 3 r]
M. Laurens Videl, A Michel
Nostradamus.
Sachant que l'opinion que l'on a
une foys conceue est tresdifficile à
aracher; & à peine peut estre effacée
de l'entendement de ceux qui
en ont ja fait une longue coustume, & par long
temps en ont estez abrevez. Cecy dis Ie (Michel
de nostredame) pource que la plus grand part des
gens d'aujourd'huy tiennent, & ont opinion que
tous ceux qui se meslent à predire, ou bien à faire
pronosticques, uzent de magie superstition, qu'a
esté la cause qu'en mes epistres * ay voulu demonstrer
{* Quelles épîtres ? Allusion à des textes perdus ?}
que les vrays astrologiens ne se meslent de
telz malefices, & en usant de ce mot à passer les
limites d'astrologie, ou bien en disant nous gardant
toutesfoys à passer les limites, mon intention
n'estoit à autre que les divertir {= détourner} de telle opinion :
& non que j'eusse aucune mauvaise opinion de
toy ainsi que scauent bien plusieurs gens de bien :
car m'ayant interrogé, & combien que je te
cogneusse ignorant, si avoys-je tousjours fait bon
raport de toy, & pour l'amytié que je porte à la
science, je t'avois excusé de tes folles preditions [sic],
& ne falloit que tu te vinses, si fort gratté du mot
[A 4 r]
à passer les limites ainsi que tu as fait, & as monstré
que tu en estoys fort galeux, & roigneux : comme
apert par tous tes presages de l'an 1557 * qui a esté
{* Les Présages merveilleux pour l'an 1557 : cf. CN 46 et 128}
cause que je me suis diverti de toute bonne opinion
que l'on pouvoit atandre de toy & en y regardant
de plus pres t'ay cogneu plus ignorant privé
de tout bon sçauoir mesmes des nobles disciplines,
qu'a esté la cause de m'adherer à ce que tient
le comun que tu es conduit à l'acointance de sorcelerie
des malins espritz par une magye terrestre
& prophane ignorant la naturelle qu'est saincte
& aprend à cognoistre & aimer Dieu & en ont
esté studieux beaucoup de gens de bien, comme
Salamon, Hermes, Orpheus, Pythagoras, Platon,
Parmenides, Philo, & assez d'autres. De la maligne
furent curieux Zoroastes, Balahan {= Balaam, devin biblique}, Simon,
Zabulus {ou Zabolos, autre nom pour Satan}, Cyprius, Psyllius, & ceux qui resisterent à
Moise. Or si tu en usois je n'en feuz jamais si assuré
que quant tu t'es faché quant on a parlé à l'encontre,
& aussi je te puis bien assurement dire que de
la vraye astrologie tu y entens moins que rien :
comme il est evident non seulement aux doctes,
mais aux aprentiz de l'astrologie, ainsi que bien
le demostrent tes oeuvres, que ne says calculer le
moindre mouvement d'aucune estoille que ce soit :
tant s'en faut que sachez cognoistre les mouvemens
quant n'entendes l'usage de tes ephemerides
[A 4 v]
ne demonstres tu pas bien que n'entans les ephemerides
quant tu metz le printemps ceste année
1557 entrera le xj jour de mars le soleil entrant au
premier point d'aries à 0 degrez 53 minutes. * Regarde
{* Pronostication pour l'an 1557 : "Le Primtemps ceste
annee 1557 entrera le xi jour de Mars, le Soleil entrant
au premier poinct d'Aries, au deg. 53 mi. d'Aries.",
f. A4v : cf. CN 47}
ton ignorance en laquelle as perseveré 4 ou
5 ans ou depuis que t'es empesché à fere preditions [sic]
qu'est ce que le premier poinct ne demonstre[s] tu
pas que tu ignores qu'est poinct ? car quant le soleil
entre au premier poinct, il n'y à doncq' aucune
minute, entant que le poinct est indivicible, &
comme les geometriens disent il n'a aucune longitude,
latitude, ni hauteur, & est moindre qu'une
minute, laquelle se peut diviser en 60 secondes, &
encores moindre que tout autre nombre qui ce
soit. Ie te demande Michel qu'est ce que te fait
mettre cela ? si n'est ton ignorance, ne sachant
cognoistre que les planettes aux ephemerides sont
calculez au midi, & que le soleil a ja long temps
qu'est entré au premier poinct d'aries, quant il en a
ja fait 52 [sic] minutes. Il te falloit donc dire le printemps
sera le x de mars à troys heures apres midi *
{en réalité le 10 mars vers 22h40 à Paris, 10 mn.
plus tard au méridien de Salon, à 23h20 à Venise !}
le soleil entrant au premier poinct d'aries, selon la
suputation de tes ephemerides, qui ont esté calculées
(comme je panse) au meridien de Venise,
qu'est grandement differant au nostre, lequel tu
ne scaurois acommoder, & maintenant je ne te
le veux aprandre : car pour le te faire entendre, il
[B 1 r]
te faudroit mettre à l'a.b.c. c'est à dire aux principes
d'astrologie, lesquelz n'as jamais entendu.
Et en l'esté tu dis le soleil entrant au premier point
de cancer à 26 minutes * acorde moy maintenant
{* même texte, f. B2r}
cela qu'il soit au premier point & aussi à 26 minutes.
O pauvre sot, autant en as fait à l'automne,
car tu dis qu'elle commencera le soleil entrant à
55 minutes de libra *, qui t'a apris ainsi à parler si ce
{* même texte, f. B4r}
n'est l'ennemye de science. Regarde Michel je te
prye si tu es encores plus ignare & gros asne que
je ne dis la pleine lune que tu as mis en tes presages
du moys de Ianuier de lan 1557. tu dis la lune
estre à 37 [sic, pour 27] degrez & 46 minutes de cancer * : qu'est
{* Présages, f. A5v : "xxvii degr. 46 minuttes de cancer"}
ce que tu dis grosse beste le soleil est en aquarius &
la lune opposite seroit en cancer, qui t'a apris que
cancer soit opposite à aquarius : un qui n'auroit
jamais veu livre d'astrologie scauroit il faire plus
grand erreur que tu fais, n'est [sic] tu pas bien sot si tu
n'entens que leo est opposite à aquarius, & non
cancer, car il est opposite à capricorne, n'est ce
pas l'a. b. c. les principes que l'on aprend en astrologie,
le soutil calculeur que tu es quant tu dis
l'opposition estre à 12 heures & 58 minutes que sont
13 heures sauf 2 minutes, en ta calculation la lune
n'auroit avancé en 13 heures que 6 minutes là où
elle en fait en ce jour là plus de 32 minutes par
heure. Et que pances tu que l'on ne cognoisse bien
[B 1 v]
que tu es du tout ignorant. Certes si je te voulois
reciter toutes tes ignorances, abus & sottizes, que
tu as mis en tes oeuvres depuis quatre ou cinq ans
en sa, il en faudroit faire un bien grand livre, mais
à present je t'en reciteray quelques unes, & tu
m'en devras scavoir bon gré : car je seray cause
que tu aprandras chose que possible n'eusses jamais
entendu, & feusses tousjours esté mocqué, &
en derision aux gens doctes, & feusses demeuré en
ton ignorance. Aussi je te prie ne faire plus de l'imposteur,
seducteur, & faux prophete, car tes propheties
monstrent assez de quel esprit tu es conduit,
& ne faut qu'aucun s'abuse en disant il avoit bien
prophetizé d'une ville ce qui luy est avenu, car en
parlant mal de toutes les villes de France, tout ce
qu'en pourra avenir, l'on dira qu'il l'avoit bien
dit : il n'a garde de faillir, voyant que la plus grand
part des villes y sont nommées : Toutesfoys je
trouve que tu avois tresbien prophetizé de toy,
en l'an 1555 au moys de Ianvier, disant, plusieurs
en contrefaisant prophetes seduyront le peuple,
{* Almanach pour 1555, texte non reproduit par Chavigny}
quand à moy, je n'en ay cogneu autre faisant du
prophete que toy, & nescay [ne scay] si tu seroys des prophetes
de l'antichrist, qui se doit magnifester au
dernier temps. Il est vray que tu as quelque raison
en ce que tu dis qu'ilz sont un tas de bestes brutes
qui te veulent ensuyvre *, ou bien ainsi que tu parles
{* Présages pour 1557, f. G2r : "un tas de bestes brutes ignorantes
qui ce meslent de vouloir ensuivre mon umbre" ; cf. CN 76}
[B 2 r]
ton umbre, & je dis davantage que ceux qui
voudroyent ensuyvre une telle peccore, meriteroyent
estre tenus plus bestes que tu ne les estimes, &
qu'on les envoyassent au moulin. Mais en ce tu
demonstres que tu es hors du sens, car tu dis que
ilz sont trois qui contre raison t'ont calumnié *
{* même texte, f. G2r. Ces 3 calomniateurs seraient Videl, Scaliger et Joachim Du Bellay : cf. CN 76.}
devant les monarques, j'entens bien que tu parles
contre ceux qui font des almanachz en disant
qu'ilz sont privez de toute cognoissance
mathematique *, je te respons que certainement
{* même texte, f. G2r}
ilz sont bien privez du Mecaseph {sorcier, ensorceleur} qui aprent
Abbatou, ou bien quelque autre de telle farine, car
en cela ilz n'entendent rien, ny (ainsi que je pance)
n'ont affaire à y entendre, de l'un j'en suis asseuré,
& te respons pour tous les trois qu'ilz ont
plus oublyé aux mathematiques, que tu n'en
scauras jamais, car tu as commencé trop tard,
& non es entré par la vraye porte, tu dis qu'ilz
ne scauroyent entrer là où tu prens la doctrine,
ilz n'ont affaire de telle doctrine, car il est certain
que telle doctrine & observations sont superstitions
malefiques & pernitieuses, combien
qu'aux ignorans (comme toy) leur semble qu'elles
soyent sciences divines. Et par ainsi apert que
tu es celuy qui a le cerveau abesti & ebete * hors de
{* même texte : "leurs cerveaux abestis, ebetez", f. G2r}
toute raison & sans jugement, respons moy qui t'a
revellé que ses [sic] trois que tu parles qu'à la fin de ceste
[B 2 v]
presente année n'auroit [sic] loysir de parler, & l'un qui ne
parlera jamais * ? tu sorts cela de ta doctrine ? Si tu trouvois
{* même texte, f. G2r}
les gens si sots & ignares que toy, tu leur ferois
entendre que le sainct esprit te parle, ou bien que
toy mesmes es le sainct esprit, ainsi que fait
entendre un de tes semblables apellé maistre Iehan de {Jean Thibault}
les fantaryes, autrement monsieur du bor : & par
ainsi doresnavant te faudra appeler maistre Michel
de les folyes. Or maintenant je te veux demander
si tu ne veux faire entendre au peuple
que tu as un esprit propheticque qui te revelle toutes
choses, mesmes en ce que tu parles asseuré
comme si tu estois Dieu, possible tu me diras que tu
as revelation d'un esprit, mais qu'il n'est des malins,
mais en cela faut que tu entendes qu'il est le
pere de mensonge qui se veult transfigurer en
ange de lumiere, & par une verité qu'il te die, il te
dit cinq cens mensonges, ainsi qu'il apert par toutes
tes oeuvres qui en sont pleines, & combien
qu'il te die tousjours verité, ne luy, ny toy, ne devez
estre aucunement escoutez. Aussi je te demande
? qui t'avoit revellé qu'un forsat qu'on amenoit
aux galeres l'ayant trouvé au chemin de Marseille,
qu'il avoit esté pris un' autre foys, n'est ce pas
ce que le commun tient qui te fait ainsi faire de
l'imposteur. Si je te voulois demonstrer tous tes
abus, il te faudroit redure tous tes almanachz &
[B 3 r]
presages qui sont plains d'erreurs & abus semblables
à ceux que je te veux icy dire, du moys de febvrier
1557, & la nouvelle lune tu l'as si bien calculée
que tu scays faire, quant tu dis la nouvelle lune le
dernier jour du moys que sera le 28 à 15 heures à
47 minutes à 12 degrez & quarante une minute de
pisces * tu eusses bien si tost dit la nouvelle lune le
{* même texte, f. B2v}
premier de mars à troys heures du matin * mais ce
{* L'heure donnée par Videl pour le méridien de Venise
est exacte, mais celle donnée par Nostradamus l'est aussi :
Videl ne comprend pas la forme utilisée par Nostradamus
dans ses calculs et repérages : cf. CN 52 !}
n'est là où je me veux arester, mais je te demande
est [sic] tu du tout incencé ou aveuglé que tu ne puisses
voir ny cognoistre, que le soleil à l'heure que tu
dis, est au vingtieme degré de pisces, & environ
quarante minutes qui te fait donc dire que la lune
soit au 12 degre & 41 minute de pisces, s'apelleroit
elle lune nouvelle estant à 8 degrez loing du
soleil *, & aussi ne voy tu pas qu'à midi ce jour
{* critique justifiée : cf. CN 52}
que tu dis la lune est à xj degrez & trantehuit
minutes, en quinze heures n'auroit elle fait
qu'un degré & troys minutes, n'est [sic] tu pas du
tout ignorant, car tu en faitz ainsi par tout
mesmes au premier quartier de mars tu dis la
lune estre à xxj degre de gemini & toutesfoys
en celle heure le soleil est à plus de 27. degrez
de pisces *, regarde de combien tu es trompé
{* Présages pour 1557, f. B4r}
& es si effronté qu'il te sembloit que parsone
ne devoit prandre garde à ton ignorance, & à
tes erreurs & mesonges [sic], qu'as semez par tout le
[B 3 v]
royaume de france. Au moys d'avril tu fais opposite
le signe de taurus à libra n'est ce pas une belle
opposition * & tout ainsi le long de l'année jusques
{* Almanach pour 1557, f. B4r ; cf. CN 41
et Présages pour 1557, f. C3v}
au moys de decembre que tu dis la nouvelle
lune le vingtjeme à x heures & xiij minutes à 4
degrez & xj minutes de capricorne * & toutesfoys
{* Almanach pour 1557, f. D7r, mais respectivement
12 et 10 minutes aux Présages pour 1557, f. G5v}
le soleil est à plus de ix degrez de capricorne.
Povre sot ignorant tu en fais entandre de
belles comme quant tu dis à ta pronostication l'hyver
entrera le douzieme de decembre le soleil
entrant au premier poinct de capricorne à quarante
quatre minutes * il est au premier poinct &
{* Pronostication pour 1557, f. C1v ; cf. CN 47}
à quarante quatre minutes. O gros ignorant tu
dis davantage saturne occidental meridional
ascendant combuste : qui t'a aprins que saturne
estant au signe de taurus & le soleil en capricorne
soit combuste. * Certes il me fache t'aprandre
{* ibid. ; remarque justifiée : une planète
est dite combuste à moins de 5° du Soleil}
chose si facille car je te voudroys bailler
le moindre de mes disciples qui te enseigneroyent
que saturne estant loing du soleil de
quatre signes n'est dit ny combuste ny bruslé
qu'est ce que tu pançoys que ce feust quatre
degrez. O ignare ebeté pour quoy ne regardes tu
avant qu'escripre je ne sçay si tu t'en raportes à
Abbatou qu'est un vray manteur ainsi que j'ay
demonstré par avant. Croy moy michel estudie un
peu & ne t'ameuses plus à ses [ces] menteurs qui te
[B 4 r]
font entendre saturne estre bruslé estant si loing
du soleil contre toute vraye reigle. Tout le semblable
as fait en l'esté, où tu mesmes dis le soleil
en Cancer, Saturne en Taurus combuste, * qu'est
{* Pronostication pour 1557, f. B2r}
ce que tu penses pauvre sot. Certainement si un
homme à bon sens avoit entrepris parler tout au
rebours de l'astrologie, il n'en scauroit faire pire
que tu fais en ton ignorance. Il me fache bien te
demonstrer tes grans sotizes, mais pour m'aquiter
de ce qui m'a esté pryé, & pour mon devoir
suis contraint de demonstrer une partie de tes
folyes plus legeres, sans faire mention des plus
grandes, afin de ne te scandalizer envers le peuple,
qu'as ainsi seduit & trompé. Combien que
tu m'ayes donné l'occasion, sans que jamais je
eusse parlé mal de toy aucunement, ains t'eusse
volontiers averti de tes fautes que je voyois estre
si grandes, si l'occasion si feust presentée, je te les
eusse remonstrées familierement & de bon coeur,
Et le scays bien, que plusieurs qui me cognoissent
seront esbays que j'aye voulu respondre à un qui
ne merite responce, d'autant que les folz ont liberté
de parler, mais en estant pryé, & pour le
devoir que je dois à ceste noble science, qui ne
doit estre prophanée ainsi que tu la prophanes,
j'ay esté contraint te demonstrer que ne suis si
beste que tu m'estimes, & si tu estois si homme
[B 4 v]
venant en Avignon me vouloir parler es presances
de messieurs les docteurs de l'université d'Avignon,
je te donneroys entendre par vrayes raisons,
tes ignorances, & n'y auroit compagnon que
tu saches avoir qui te gardasse que les susdis docteurs
ne te cogneussent plus ignare que je ne te
veux maintenant escripre. Vn noble & honneste
homme digne de foy m'a dit qu'autresfois apres
avoir eu disné avec un medecin tu luy vins, dire sa
naisance [sic] son nom, son mariage, & combien il avoit
d'enfans n'est tu pas un grand trompeur ? de voloir
faire entandre que cela se fait par l'astrologie,
mais tu as esté bien trompé quant l'on a cogneu
que tu n'entans rien en ladite astrologie laquelle
chose est claire & evidente par toutes tes euvres
& t'a fort gasté quant tu t'es volu empescher à faire
de nativitez, que ne as sceu par quel bout à
commencer & ce voyant tu les as faites par sort comme
plusieurs que j'ay veues que les avoys faictes par
la geomantia, car tu y avoys mis des figures de la
dicte geomantie comme sont populus amissio albus *
{* Trois des seize figures géomantiques. Cette pratique de la
géomantie par Nostradamus n'est pas attestée ailleurs.}
& semblables, combien qu'il semble que cela
soit tout semblable à l'astrologie, il s'en aproche
tant comme le ciel de la terre, & dernierement je
en vis une que tu l'avoys volue faire selon l'astrologie,
laquelle vint entre les mains d'un de mes disciples
lequel apres avoir cogneu ton ignorance
[C 1 r]
& bestise la me vint comuniquer là où tu te monstres le
plus ignare qu'il n'est possible en trouver un qui
te seconde en ignorance : tu metz que c'estoit environt [sic]
la minuit & une heure, & quant tu fais ta figure
ce que devorit [sic : devoit] estre à la ligne de minuit ou
un peu apres, tu le metz aux [sic] soleil levé, regarde
un peu gros asne tu veux que le soleil soit à minuit
& en orient tout en un mesmes temps : car ce
que doit estre à la quatriesme maison, tu metz à
la premiere, & ce que doit estre à la premiere, tu
le metz à la dixiesme, possible que tu me trouveras
quelque eschapatoire comme en disant que
ce as tu volu faire tout expressement affin que tu
ne feusses entandu de plusieurs : mais pource tu
ne seras eschapé, car en volant fuir le tiltre d'ignorant,
tu tomberas à un pire, à savoir de faulcere,
trompeur, & abuzeur de peuple. Maintenant il
me sovient de ce qu'un jeune gentilhome me
conta qu'il estant a companié [sic] d'un autre passant
par salon te allarent trouver; desirant que tu vinses
à faire la nativité de l'un deux, & tu estant à ton
estude vins à ouvrir tes ephemerides & là où elles
se trouvarent ouvertes tu voloys faire sa nativité,
combien que ce ne feust ny l'année de la nativité
ny aussi l'année de l'interrogatoire, en sorte que
tu en fuz reprins par eux, qui n'antendoyent
autrement en astrologie, te disant que voles vous
[C 1 v]
faire ? ce n'est pas l'année de la nativité, ny aussi
ce n'est pas ceste presente année que nous vous
interrogeons : & à la fin tu voulois piquer à ta façon
acoustumée, ce qu'ilz ne te voulurent permettre
faire, & te cognurent bien tel ignorant
comme tu es, en se mocquant de toy en ta presance,
mesmes apres avoir eu barbouillé tu dis le premier
de ses freres, & eus [eux] ne se pouvant tenir à rire
tu leurs vins alhors dire s'il n'est le premier d'age
il le sera en dignité. Mais ilz firent tresbien leur
devoir te cognoissant ignare ne leur disant rien
à propos aussi eux ne te donarent rien. Certes j'ay
beaucop veu des nativitez, que tu tes volu empescher
à les faire, mais jamais tu n'as eu la grace de
rencontrer une que tu eusses sceu trouver le vray
point du zodiac ascendent. Regarde donc quel
jugement tu nous peux faire ? quant ne scays entandre
le principal point ou faut que soit fait tout
jugement. Voila ta nouvelle astrologie que les
mathematiciens n'entendent rien. Ce n'est seulement
en ceste presante année que tu t'es volu demonstrer
estre le saint esprit car en la pronostique de
l'an 1552, tu as uzé de parolles si assurées que Dieu
n'a james [sic] assurè d'avantage quant tu dis que plusieurs
grans personages tant temporelz que ecclesiastiques
mourront infalliblement, * quel mot est ce de dire
{* Pronostication pour l'an 1552, n.4, cf. CN 4}
infalliblement ? & toutesfoys nous lisons au prophete
[C 2 r]
Ionas que Dieu avoit dit qu'il vouloit faire destruire
la cité de Ninive, & neantmoins il ne le fit
pas, * aussi semblablement fut dit que le Prophete
{* Jonas, 3.1-10}
moureroit, & il ne mourut pas, donc est evident
que la sainct Esprit ne parla jamais si asseuré que
tu fais en ta nouvelle astrologie forgée en ton
cerveau, mettant le monde en admiration par
tes exclameurs & folyes ? N'est ce pas l'acte d'un
fol en ladicte pronostication de l'an 1552 quant
tu dis pleust au souverain Dieu immortel que la
guerre, famine, sterilité, & la mort de plusieurs
bestail, qui pour seur adviendra ne feust pas ainsi * :
{* Pronostication pour l'an 1552, n.5, cf. CN 4}
puis que tu dis qu'il adviendra pour le seur, pourquoy
fais tu prieres qu'il n'avienne : Ne monstres
tu pas que tu te contredis à toy mesmes c'est parlé
cela de dire qu'il sera pour le seur : Et incontinent
apres tu dis qu'il ne faudra avenir, & tant
d'autres folyes que j'en ay honte les te manifester :
mesmes quant tu dis en l'an 1555 au moys de
Mars que tu te doutes que ne soit la renovation
de ce siecle, & au moys d'avril tu dis qu'il est dangereux
qui ne soit unus pastor, & unus ovile, *
{* Les Présages merveilleux pour l'an 1555, n.23, cf. CN 16}
combien qu'il faloit dire, unum ovile pour faire bonne
farine : Et apres tu dis qu'au moys de Septembre
& Octobre se fera pour seur une aspre & dure
bataille. * Semblablement en ton almanach de l'an
{* même texte : présage non relevé par Chavigny}
1553 au moys de Mars, tu dis que la nouvelle
[C 2 v]
lune sera au signe de cancer * & chascun scait bien
{* Almanach pour l'an 1553, n.5, cf. CN 5}
que le soleil est en ce jour qu'est le 14 au signe d'aries,
voila de belles conjunctions & assemblées que
tu fais. Et avec ce tu cryes, O la grande calamité que
nous attendons * laquelle chose me vient esmouvoir
{* même texte : n.1}
à dire O la grand sotize & folye que une beste nous
vient à presager : Davantage en ce mesme almanach
tu te veux faire estimer scavant en uzant de
ce mot occulte philosophie quant tu dis je n'ose
metre ce que l'oculte philosophie met, les incidies
que l'on pourchasse à un Roy. * Meshuy te faudra
{* même texte : n.2}
parler autrement car ton oculte philosophie a esté
cause que tu as esté cogneu tel que tu es à savoir
du nombre de ceux que tu as escrit audit almanach
au moys d'aoust quant tu dis que la france
ne sera exemptée de flateurs & flaugoneurs * je pance
{* même texte : n.3}
que tu voloys dire flaunacz à la maniere de gascongne
où tu as autres foys demeuré tu te voulois
partrop faire cognoistre en te louant toy mesmes,
quant tu disoys que voloys dedier une oeuvre à un
seigneur que lyre de Iuppiter ny saturne ne la sauroit
abolir, * autant en as fait au distichon qu'as
{* dans l'Almanach pour l'an 1553 ?}
derosbé à ovide quant tu dis post mortem nomen
vivet in orbe meum. * Il te faloit laisser dire cela à
{* distique inséré dans les trois opuscules pour
l'an 1557 (cf. CN 42). Supposé emprunt à Ovide non identifié :
dans ses Tristia, à la dernière élégie du livre IV,
Ovide demande "s'il reste après la mort autre chose qu'un nom"}
un autre si tu eusses eu un peu de sagesse car il est
certain que troys jours apres ta mort ton nom sera
aussi mort, & prens t'en garde que tu ne soys de
[C 3 r]
ceux que dit ciceron que la mort est terrible à
ceux qui avec leur vie le tout vient estre aneanti &
mort. * N'as tu jamais ouy dire que ceux qui au comencement
{* L'envieux astrologue se trompe : non seulement le nom de Nostradamus est
célébrissime, mais ce présent pamphlet lui doit encore sa survie littéraire.}
se attent trop arivent plus tard au
logis, pour s'estre desvoyez du chemin. En ton dit
almanach de l'an 1553 à la fin du moys de decembre
ne te falloit faire prieres qu'est ce que tu
avoys predit n'avinse entant que tu as acoustumé
dire qu'il adviendra pour seur de grandes calamitéz
que si tout le monde devoit fallir tu ne scauroys
faire de plus grands exclamations, Parquoy
seduictz tu ainsi le peuple ? de dire que sylla devoit
entrer à la cité du soleil. * Sylla feust un noble
{* Almanach pour l'an 1553, n.4, cf. CN 5}
romain docte, tant en grec que latin, vaillant aux
armes, toutesfois les poux le tuarent parquoy dis
tu qu'n [qu'un] de tel nom doyve entrer à la cité du soleil
n'as tu point d'autre moyen de te faire estimer
scavant : d'estre contradissant à toy mesmes, toutes
tes ouvres en portent tesmoignage, quant tu parles
de la mutations [sic] de l'aer tu dis tout à un mesmes
quart de lune chaut, froit, sec, humide, qui t'a
aprins à parler ainsi ? en la nouvelle lune d'avril
1553 tu dis que sera soit humide & chaude ** & apres
tu dis sec & non y ha aucune aparance de
pluye ** [:] voila un beau acord que tu fais par un musicien :
{** dans l'Almanach pour l'an 1553, nouvelle lune d'avril}
En ladite année au moys d'octobre tu avoys
dit qu'il seroit une maladye portant grand eschaufement
[C 3 v]
en sorte que tant plus on beuroit [beuvroit] que tant
plus l'on seroit alteré, & inflammé, * je panse qu'en
{* Almanach pour l'an 1553, n.7, cf. CN 5}
ce pays non y ha eu aucun que l'aye mieux sentye
que toy pour avoir beu le vin vieulx tout pur, car
tu ne te contantes boire par toutes les bonnes maisons,
mais vas boire par toutes les tavernes & cabaretz, *
{* racontar malveillant}
comme un bon pion. Ie retorne à tes abus
& ignorances au moys de Ianvier 1555 tu dis la
pleine lune le 7 à 6 minutes du matin parquoy
dis tu à 6 minutes ignare ? Car la pleine lune sera
ledict jour apres 8 heures du soir & non à 6 minutes *
{* vers 17h40 plus précisément}
du matin, incontinant apres tu dis que tu
n'oses declarer ce qu'aviendra ceste année, parquoy
uzoys tu de telles ruses ? si non affin que l'on t'envoyasse
querir à la court car aussi en ladicte année au
moys de Iulliet [sic] tu disoys le roy se gardera de quelcun
ou plusieurs qui ne pourchassent que de faire
ce que je n'ose metre par escrit, selon que les astres
acordéz à l'occulte philosophie demonstrent * : tu
{* Les Présages merveilleux pour l'an 1555, n.30, cf. CN 16}
entendoys bien que le Roy voudroit scavoir la
verité. Mais tu y feux bien tost cogneu par fol
ignorant trompeur. Il me fache magnifester les
larrecins que tu fis en allant à ladicte court, tant
en Avignon qu'à lyon & à Valence & à Viene
& autres villes en sorte que j'en avoys grand
honte de les entandre & tu en avoys autant de honte
qu'un chyen, entre autres je vis une femme
[C 4 r]
de lyon à laquelle tu avoys baillé quelque recepte
qui ne valoit rien, si est ce que tu luy en avoys grippé
10 escus, en sortant de la maison de feu monsieur
le lieutenant tignac elle crioyt apres toy
rendz moy mes dix escus, car ta recepte ne vaut
rien. Et comme un assuré affronteur tu luy disoys elle
est bonne. Combien qu'elle l'eusse experimentee
qui ne valloit rien tu ne luy voulus randre ses dix
escus * : voyla un acte fort honneste & honorable, &
{* autre racontar malveillant}
tant d'autres que tu en fis qu'avant que sortir de
lyon tu feuz cogneu pour un affronteur, Ignorant
de tout bon scavoir. Aussi tu vins confesser es presences
de messieurs les docteurs en medicine que tu
n'estoys medecin mais bien l'avoys esté autresfois,
& maintenant tu feroys totalle profession d'astrologie,
comme si l'astrologie empeschoit d'estre medecin
ou si on t'avoit fait oublier ton scavoir. Et à
Iaques bassetin * quelle responce tu luy fis quant il
{* James Bassantin (cf. CN 43) ; cf. aussi la
Paraphrase & amplification de l'usaige de l'Astrolabe,
et l'Astronomique discours (Lyon, Jean de Tournes, 1555
et 1557), ouvrages signalés par Du Verdier (p.591)}
t'interrogea quelle maniere de domifier tu trouvoys
la milieure ou celle des anciens ou des modernes ?
tu luy respondis à propos tout ainsi que
l'on dit en commun proverbe comme magnificat
à matines : car tu luy dis c'est belle chose que de
ses epicycles, O ignorance tresgrande, brief tu fys
de si nobles honestetez à lyon qu'en retournant de
la court tu ne te ausas monstrer ny faire à cognoistre
à parsonne du monde qu'à Iehan brotot *, & luy
{* Jean Brotot, l'imprimeur lyonnais des almanachs de Nostradamus}
[C 4 v]
deffendis expressement que ne disse à parsonne ta
venue, de peur qu'on ne te fisse randre ce que tu
avoys sceu si bien piper. Car certainement tu fis
d'actes à lyon qui meriteroyent qu'on te fist donner
des estrivieres, ou bien brusler, & pance que si
le Roy en eust esté averty que tu n'en eusses pas
eu de moins. Ie croy que tu ne pances sinon à predire
tous les maux qui te viennent en teste sans
autre cognissance [sic], car tous les ans tu dis pestilance,
famine, & guerre, ne voy tu pas que tu y as falli
sovent ? mesmes dudict an lequel estoit si abundant
& bon marché de vivres par tout, Et nonobstant
cela tu avoys mis à la fin du moys de mars
que tu doutoys de la renovation de ce siecle, * il sera
{* Les Présages merveilleux pour l'an 1555, n.18, cf. CN 16}
bien quelque jour, Mais il faut que paravant
viennent autres prophetes que toy : car aussi tu
dis si ma calculation est veritable, & juste. Comme
veux tu qu'elle soit juste ? quant tu ne scays calculer
& n'entens tes principes d'astrologie ? ainsi
qu'un chascun peut juger. Tu feroys beaucoup
mieulx de ne t'empescher jamais de parler
d'astrologie : mais si tu vouloys predire faire ainsi
qu'as la commencé dire qu'as l'esprit de prophetie
& prophetiser à ta nouvelle mode. Si les princes
sont une foys avertis de tes abus & tromperies
ilz te feront deffandre ne te mesler d'une science
laquelle tu en es du tout privé & ignorant.
[D 1 r]
Mais je panse bien que tu seroys contant que l'on
fisse deffandre l'astrologie comme elle feust du
temps de l'empereur Iustinian, & cela avint à
cause des abusans d'icelle, comme tu fais aujourdhuy
par ton avarice ignorance & superstition :
Mais tu ne viendras jamais à ton attante qu'elle
soit deffandue, entant que les princes scauent bien
discerner le bon du mauvais, & entendent tresbien
que le prodigue ne se doibt prandre pour le liberal,
ny aussi les geomantiens nicromentiens pour
astrologiens : Combien qu'ilz se servent des noms
& figures d'astrologie, tout ainsi que les singes
qui se peuvent bien vestir des habillementz des
hommes qui neantmoins demoureront singes,
Et par ainsi s'ilz trouvent quelque mauvaise bran-
che ne feront coupper tout l'arbre, ains osteront
ce qu'est superflu : & ainsi tu seras frustré en toutes
tes ambages, & folles menasses que tu fais
à tout le monde, le voulant espouvanter par tes
cryeries, comme tu fais en ton almanach de
l'an 1556 quant tu dis hureux qui marchera, &
ne marchera par terre, & plus hureux, qui rien
ou peu aura * : n'est ce pas une belle predition ? mais
{* Almanach pour l'an 1556, n.16, cf. CN 35}
tu ne vouloys estre de ses [ces] hureux qui rien ou peu,
car tu avoys si bien, fait par tes tromperies & seditions,
que tu avoys eu troys ou quatre cens
escus : que vouloys tu dire audit almanach de
[D 1 v]
l'an 1556 au moys de janvier disant. Nox incubat
atra se dira à plein midi. * Tu vouloys que l'on
{* même texte, présage non retenu par Chavigny : cf. CN 35}
sceuse que tu avoys leu virgile. Et apres ne parloys
tu pas honnestement quant tu disoys, O dii
talem terris avertite pestem & superii servate globam, *
{* Almanach pour l'an 1556 ; cf. CN 35 : PP 10 }
tu diras que c'est la faute de l'imprimeur
ainsi qu'elle peut estre, Mais tu en as bien fait de
si lourdes. Au moys de febvrier 1556 tu avoys
fait un beau presage s'il eust esté vray à la miene
volunte qu'il eust estè ainsi, ce que j'espere qu'il sera,
quant sera le bon vouloir de Dieu & alors tu
n'en auras rien dit, pource que tu ne le scauras
aucunement : car il n'apartient à toy de sçavoir de
telles choses, & encores ne te devroit estre permis
d'en parler aucunement : voyant que tu n'es qu'un
ignare abuseur, ains faut que gens de meilleur jugement
que toy, viennent à cognoistre telles victoires,
aussi sont matieres un peu trop hautes
pour un tel ignare que toy : car ainsi que dit Ptolomée
en son premier aphorisme que ceux qui
veulent predire particularitez : faut qu'ilz soyent
divinement inspirez, * Tu as si bien rencontre en
{* Premier aphorisme du Centiloque d'un pseudo-Ptolémée arabe.}
cela ainsi que tu fis au jour que beaucoup de nobles
& grans seigneurs furent tuez & prins car tu
avoys mis genereuse nativité je pance bien qu'on
se doibt moquer de toy pareilement au moys de
febvr. 1556 tu disoys la maladie du grand troublera
[D 2 r]
le regne. * Iamais ne le puisses tu voir troubler ny
{* Almanach pour l'an 1556, n.22, cf. CN 35}
malade. Croy moy laisse ses [ces] reveries, qui te font
entandre tant de mensonges : & ceux qui te conselleirent
escrire à l'encontre de moy te veulent
grand mal : car je ne t'avoys jamais offancé en aucune
chose que ce soit, & toutesfoys tu m'as divulgué
avec injures. Et te sembloit que je n'auroys
langue à te respondre, car tu me tenoys pour
mort voyant que tu avoys dit qu'au bout de l'année
n'aurions loisir de parler. * Si tu eusses esté honneste
{* cf. CN 76 : "Les trois calomniateurs de Nostradamus"}
& homme de bien il te falloit uzer autrement,
car si j'avoys falli, il falloit que tu me monstrasses
par vraye science (Ie dis si tu l'eusses entandue)
en quoy avoys je falli, & non pas par paroles
iniurieuses que tu ne scays que tu veux dire,
si n'est faire du badin, comme quant tu cryes, O
sang troyen fuys, fuys, & puis tu dis que fabius
montera si haut * & toutes ses [ces] belles folyes, je suis
{* Almanach pour l'an 1556, nn. 40 et 49, cf. CN 35}
assuré que tu n'entens ce que tu escris, mais tu t'en
raportes à ce qu'en sera, car il ne te soucye pas
beaucoup qu'il soit vray ou non. Quand à moy je
ne m'estonne en rien si le monde dit il avoit bien
dit & deviné de choses qui sont avenues, car il
faut bien que parmy un nombre infini de mensonges
y aye quelque verité. Comme quant tu as
predit la mort à plusieurs, aucuns en sont mortz
d'autres sont en pleine vye, mesmes icy en Avignon
[D 2 v]
y ha une femme que tu luy avoys dit qu'en
tel moys elle seroit morte, & de frayeur elle en
feust bien malade, pourquoy donnes tu telle frayeur
aux gens ? car autant en fis à un prestre que
je cognoys, Et à plusieurs autres, Toutesfois, & le
prestre & la femme sont en pleine vye & s'il est le
bon plaisir de Dieu vivront plus que toy. Combien
en as tu fait de semblables ? en sorte qu'aucuns
en sont morts de la peur, & facherie qu'ilz
en ont eu : D'où tires tu ses bagenauderyes ? O
peste intollerable, que metz plusiuers [sic : plusieurs] en erreur
par ta fauce doctrine, remplye d'abomination,
Et encores tu veux bien que l'on entande ta
meschanceté, mesmes en ce que j'ay ouy dire à un
homme digne de foy que tu avoys proferé qu'un homme
ne pouvoit estre scavant, s'il ne scavoit commander.
Ce sont blaphesmes que tu as acoustumé
faire, estimant si peu tant de bons espritz de
nostre temps, mesmes que tous, les artz sont
aujourdhuy florissantz, par l'abundance des gens
doctes, qu'il y ha. Et tu dis qu'il non y ha aucun
scavant qui ne commande, qu'est ce que tu vouloys
dire par commander ? si ce n'est que vouloys
qu'un chacun entendisse ta meschanceté, & vouloys
estimer tout le monde ignorant, pour ce que
tu es ignare en degré superlatif : les mathematiciens
ne parlent point ainsi, ains nous defandent
[D 3 r]
toutes elusions & sortileges, nous metant la crainte
de Dieu au devant, qui menasse exterminer
toutz ceux qui uzeront de ses artz malefiques,
ainsi que nous a dit Moise au Deuteronome chapitre
xviij disant ainsi. En toy ne sera trouvé aucun
qui face passer son filz ou sa fille par le feu, ny
magicien usant d'art magique, ny enchanteur,
ny qui demande conseil aux espritz familiers, ny
demandant advis aux mortz. Car tous ceux qui
font telles, font abomination au seigneur &c.
Qui est ce donc qui poura excuser ceux qui font
telles choses de la genne {marc, résidu} du feu ? car il est certain
que tous ceux qui presument à prophetizer &
deviner, non point en verité, & vertu de nostre
seigneur mais par les elusions des malins espritz,
& par vaines magyes, incantations, exorcismes &
autres oeuvres diaboliques : se vantant faire signes,
& propheties par leur[s] grandz prestiges &
fantausmes [sic], ilz periront avec lamme & mambre
& symon le magicien & s'en iront au feu eternel :
Il te faut prandre garde que tu ne soys des prophetes
que dit Moise au xviij du Deuteronome,
disant le prophete qui par arrogance voudra dire,
ce que je ne luy ay commandé de dire, il sera
mis à mort. Tu dis que prophete veut dire prevoyant
pource qu'en Samuel est escrit celuy qui
s'apelle aujourdhuy prophete s'apelloit jadys
[D 3 v]
voyant * : mais il est certain qu'ilz voyoient ce que
{* Prophéties, préface à César, 13 : cf. CN 33}
Dieu leur revelloit par son esprit. Et tu es si effronté
de dire que tu as escrit en figure nebuleuse par
esprit plus que du tout prophetique, * O arrogance
{* Prophéties, préface à César, 8 : cf. CN 33}
superbe, & folle tu ne te contantes de te vouloir
faire estimer prophete ? ains veux estre plus
que prophete ? Par revellée inspiration. * Or amy
{* Prophéties, préface à César, 25 : cf. CN 33}
lecteur, je te suplye adviser quelle arrogance superbe,
ne se contentant tromper ainsi le monde
par ses fables, & folles inventions : Mais davantage
se disant prophete, & plus que prophete, quel
blapheme intollerable, mesmes les Iuifz sont grandement
escandalisez quant on luy a permis s'atribuer
ses sainctz noms, se vantant avoir receu
l'esprit de vaticination, ** & inspiration prophetique, **
{** Prophéties, préface à César, 9 et 17}
& plusieurs volumes de l'occulte philosophie
que par long temps ont estez cachez, luy sont estez
magnifestez. * Et puis toutes, ses belles reueryes
{* Prophéties, préface à César, 20}
qu'il dit les avoir bruléz, ou fait un present à vulcan,
& reduictz en cendres &c. * Et davantage dit
{* Prophéties, préface à César, 21}
que toutes choses qui doyvent advenir se peuvent
prophetizer par les nocturnes & celestes lumieres,
& par l'esprit de prophetie * : Luy estant du tout
{* Prophéties, préface à César, 24}
ignorant, ne cognoissant aucune estoille ny corps
celeste, nous veut inventer une nouvelle astrologie
forgée en sa furye bacchanale, & non limphatique, *
{* Prophéties, préface à César, 4}
(comme il dit) sur umbre de prophetie
[D 4 r]
Tu donc Michel as composé (comme tu dis) livres
de propheties ? & les as rabotez obscurement,
& sont perpetuelles vaticinations * : Iamais Moise,
{* Prophéties, préface à César, 26}
David, Isaie, Ieremie, Daniel, ny les autres, ne se
vanterent d'un tel fait d'avoir composé vaticinations
perpetuelles, ainsi que tu fais. Et toutesfois
ilz estoyent vrays prophetes, ayant receu le vray
don de prophetie qu'est don de Dieu, baillé par le
sainct esprit & non point par aucune volunté humaine,
ainsi que dit sainct Paul aux romains au
xii chapitre, toutes foys il est aucunefoys donné
aux mechans de prophetiser, ainsi que feust à Saul
que le mauvais esprit l'assaillit, & il prophetizoit
au milieu de la maison, comme est escrit au premier
de Samuel chapitre viij. Davantage prophete
est prins pour ceux qui interpreteut [sic] la saincte
escripture, ainsi que dit sainct Paul à la premiere
des corinthiens, chapitre xj. Donc tous vrays prophetes
ne disent aucune chose, que Dieu ne la leur
aye mise en leur bouche, comme est escrit au premier
livre des Roys xxij chapitre, que le prophete
Michée dit je parleray ce que le seigneur
me dira. En outre prophete est apellé homme de
Dieu, ainsi qu'il est escrit au second livre des
Roys v chapitre car prophete est celuy qui enseigne
ce que Dieu luy revelle par son esprit, à le d[e]ification
de la saincte eglise, ainsi que dit sainct
[D 4 v]
Paul aux ephesiens 4 chapirte [sic]. Mais tu es plustost
du nombre des quatre cens faux prophetes qui
conseillerent au Roy Achab de faire guerre à l'encontre
de Ramoth Galaad, Mais un seul vray prophete
de Dieu, apellé Micheas conseilla le contraire
ainsi que nous lisons au premier des roys 22
chapit. qui est le troisieme selon les latins. Tu es
du nombre des prophetesses menteresses qui
sont escriptes au 13 de ezechiel lesquelles venoyent
à prophetizer de leur cueur, & non par l'esprit
de Dieu. En sainct Mathieu 7 chapitre Iesus
christ nous a avertis de nous donner garde de toy,
& de tous autres semblables faux prophetes : car
ta doctrine est pleine de mensonges & d'avarice,
n'ayant honte de mentir, par ta grand folie desordonée,
te voulant attribuer ses sainctz noms, te
disant inspiré par revelations. Prens garde que tu
ne soys de ceux que nous lisons au 4 {chapitre} du prophete
Ieremie qu'il y ha de faux prophetes qui prophetizent
faucete, vision fauce, divination, resverie,
& tromperie de leur cueur : lesquelz Dieu n'a point
envoyez, mais il[z] seront consumez par glaive &c.
O grand abuseur de peuple, tu dis que tu as faict
de perpetuelles vaticinations, & apres tu dis qu'elles
sont pour d'icy à l'an 3797. * Qui t'a assuré que
{* Prophéties, préface à César, 26 : cf. CN 33}
le monde doyve tant durer ? N'est [sic] tu pas un assuré
menteur ? Car les anges mesmes n'en scavent rien :
[E 1 r]
Comme est escript en sainct mathieu 24 chapitre :
& tu te veux estimer par dessus les anges, ainsi
que tu as fait plus que prophete, en prophetisant
par toute la terre universelle. Dieu t'a fait une belle
grace quant tu n'es quelque homme de grand
dignité. car je pance (ainsi qu'il est evident à juger)
que tu voudroys commencer quelque secte
nouvelle, ainsi que fit Mahomet qu'estoit conduit
de semblable esprit de prophetie que toy : Mais
quant tu voudras retouner faire de propheties,
il te faudra prandre bonne quantité de semence
de lin, & de psilli avec racine dalche, affin d'en
faire perfum à ramolir ton cerveau, car il est trop
dur. Et apres en tes propheties tu dis qu'avant le
finiment universel du monde, qui seront tant de
deluges, & si hautes inundations, qu'il ne sera
gueres terroir qu'il ne soit covert d'eau, & par long
temps qui hors mis topographies que le tout ne
soit pery. * Ie te demande ? parquoy parles tu ainsi ?
{* Prophéties, préface à César, 30 : cf. CN 33}
Ie croy qu'il te semble que tous soyent ignorans
comme toy qu'ilz ne sachent entandre que veut
dire topographia, certainement tu demonstres
bien que tu ne scays que veut dire, car il n'y a aucune
convenance ny raison de parler ainsi, dire
que hors mis la discription d'aucuns lieux tout sera
peri : il te sembloit que topographie vouloit dire
aucuns lieux ouy [sic] bien topos, Mais quant tu
[E 1 v]
dis graphia il veut dire discription, donc topographia
{* "topographie" se dit aussi de la configuration, du relief d'un lieu}
discriptio loci : ne demonstres tu pas ton ignorance ?
qui ne scays ny grec ny Latin ? & en parlant
françoys tu veux escorcher le grec & latin
ensemble : Et encores tu n'entens ce que tu
escrips, ainsi qu'un chascun peut facillement cognoistre
ta bestize, & folie, mesmes que cela est
contre la saincte escripture, qui nous tesmoigne
que Dieu ne fera plus pery [sic : perir] la terre par eau ainsi
qu'est escrit au genese 9 chapitre disant & qu'il
ne soit d'oresnavant nul deluge pour degaster la
terre : voyla donc ta doctrine & propheties du tout
contraires à la saincte escripture. Encores tu te
demonstres plus asne quant tu veux parler des sciences
segretes, quant tu dis que combien que mars
paracheve son siecle, à la fin de son dernier
periode, si le reprendra il * : il y ha ja trantedeux
{* Prophéties, préface à César, 32 : cf. CN 33}
ans passez que mars a parachevé, & alors la lune
print le gouvernement, laquelle chose est
evidente, & probable * : Mais de dire qu'il le
{* 1557 - 32 = 1525, qui n'est le début de l'âge lunaire,
avec la date de création donnée par Eusèbe, qu'en prenant un
cycle de 354 ans, et non de 354 ans et 4 mois, à moins que Videl
s'appuie sur le début de l'âge lunaire donné par Trithème (i.e. 1525)
et non sur celui de Turrel/Roussat, modèle de Nostradamus. }
reprendra ? cela est passer les bornes, entant
que les Anges mesmes n'en scavent rien
comme j'ay dit icy dessus, par ainsi chascun peut
cognoistre tes propheties estre iniques & fauces,
& ne faut que je preigne la peine de visiter
tes oeuvres, * car elles ne sont que ignorances &
{* Videl évite ainsi de commenter les quatrains.}
grans abus. Et ne te faut couvrir de l'astrologie
[E 2 r]
car elle ne nous enseigne point telles reveryes, ny
à faire badinages en allant de nuit regarder les
estoilles, je scay bien qu'à ceux qui veulent aprendre
en astrologie leur est necessaire regarder le
ciel, pour bien cognoistre tant les estoilles fixes, que
planetes, & le cours d'icelles : Mais de dire qu'il y
faut aller regarder pour faire les almanach[z], se [sic]
sont tromperies, Et aussi d'y aller pour calculer
les mouvemens, tu ny entens rien. Et si entendoys
quelques principes d'astrologie, tu scauroys qu'il
ne te faudroit sortir de ton estude pour faire les
almanachz : Car aussi de nostre temps il y ha
assez de gens doctes & scavantz, qui nous ont bien
calculé le mouvement des viij cielz, Mais ce sont
matieres trop obscures pour ton cerveau, car il
est certain que tu ne says calculer ny au ciel, ny
par tables aucunes : Aussi je n'ignore pas ce que
l'on pourroit objecter, en disant si les tables sont
mal faites ? ou bien je ne veux croire qu'un tel planete
soit à un tel signe, I'en peux aller, faire l'experiance
au ciel : tout cela est veritable mais quant
j'y voys, je ne me vien point masquer en chargeant
un grand linceul sur ma teste, aussi semblablement
je ne fays point desoubz mes piedz
cercles, ny marques, & autres fatras, qui ne se font
que pour abuser le monde. Mais seulement je porte
mon astrolabe ou autre instrument pour mesurer
[E 2 v]
les altitudes des estoilles, ou autres calculations
necessaires. Il n'y ha pas long temps qu'un
honneste homme se retira devers toy pour te demander
conseil d'un ulcere qu'il avoit à la vescye.
Et apres que tu l'euz fait despouiller tout nud tu
luy donnis un conseil, digne de memoire pour
en estre moqué à jamais, tu luy vins dire qu'il eusse
cognoissance avec une petite femme noire, * ce
{* encore une anecdote douteuse et malveillante.}
conseil est semblable à celuy qui pour estaindre
un grand feu, commandoit y mettre de terebenthine,
ou d'huille, Et par ainsi l'on peut cognoistre
que tu es aussi bon physicien {i.e. médecin} qu'astrologien,
car tu n'estoys contant luy conseiller de faire croistre
& empirer davantage son ulcere, en allant
aux femmes mais tu vouloys que la femme feust
noire & petite, je ne say si tu le fesoys par superstition,
ou bien que vouloys dire que les noires
sont plus habilles aux armes. Aussi dernierement
je vis un livre que tu as fait imprimer à ton nom,
De certaines receptes & fardz, * que tu as ramassé
{* l'Excellent & moult utile Opuscule, 1555}
ça & là, pource que tu dis qu'as esté apoticaire
mais plustost sophoniste ou chemiste ou pour le
moins tu n'has jamais gueres entandu audit art :
car dans ce livre n'y ha que folies & contes de
femmes, ou tu ne fais que rever apres tes fardz, Il
est vray qu'entre autres folies j'en vis une que tu
as intitulée poculum amatorium, Et m'enbays
[E 3 r]
qu'on te aye permis faire ses [sic] badinages & tromperies,
Car tu dis que si ont [sic] prend une petite quantité
de ceste venerable composition, la tenant dans
la bouche & on va baiser quelque femme que ladicte
femme n'aura repos ny pourra cesser, qu'elle
n'aye : j'ay honte d'escripre le surplus. Mais possible
tu me diras que combien que tu ayes descript
la recepte pour faire la composition qu'il
ne se trouveroit homme que la sceusse faire, je
le croy facilement, & que toy mesmes par le
premier ne la scauroys faire. Aussi bien tu dis que
cela est sorty de l'escole ae ae [? ? *] les medecins &
{* "vae vae" ? : l'école du malheur ? }
apoticaires n'uzent point de ses sophisteries &
adulterations pour decevoir les femmes, ny autres, mais
ilz vacquent honnestement à la vacation que
Dieu les ha appelléz : sans soy mesler de telles
escoles ny deguisementz, qui ne servent qu'à
tromper & abuser le monde, & autres folies que
je delaisse à present. Or si tu estoys homme de
raison, & qu'eusses quelque fondement en aucune
science : Ie te prouveroys qu'à faire preditions *,
{* "Les grandes et merveilleuses Predictions" ? : c'est
le titre de la première édition avignonnaise (antidatée)
des Prophéties, laquelle serait parue à cette date.}
presages & almanachz, ne faut uzer de sortileges,
ensorcelieries, charmes charateres, & semblables
abus, qui n'ont aucune raison ny naturelle,
ny mathematique : tu as escript publiquement
que tu veux acorder l'occulte philosophie à l'astrologie
& en plusieurs partz de tes ouvres tu
[E 3 v]
metz, je n'oze declarer ce que l'occulte philosophie
met, * qu'est evident que ce ne sont que pars
{* Almanach pour l'an 1553, n.2, déjà cité}
ou autres sorts, que tu appelles philosophie occulte,
là où tu escris de grans erreurs, & m'emerveille
quant non y ha eu aucun qui t'aye reprins de
ton impudence : voyant qu'as ainsi deceu &
trompé le monde, mesmes plusieurs gens de
bien disent, je n'oze lire ses ouvres à cause de
tant de maleurs qu'il nous vien[t] à predire,
non seulement as abusé & deceu le commun
peuple, Mais aussi les grans seigneurs, les metant
tous en admiration par ta furye desordonnée,
& chascun t'a laisse passer tes fables
ou bien ne s'en prenoyent garde. Mais plustost
ne se tenoyent honneur à resprondre à un
tel ignare, ce que je ne vouloys faire, combien
que sans aucune cause ny raison tu m'eusses
devulgué, car aussi en ce que tu disoys, je
scauoys fort bien que faucement tu mentoys,
que moy ny aucun des miens, ny t'avions
acuzé, ny calumnié, envers les monarques, *
{* Présages pour 1557, f. G2r ; cf. CN 76}
ny envers autre, ny parlé aucunement de toy.
Donc par le devoir que je doibs à la science,
& aussi affin que le monde ne s'abuse plus
à tes mensonges, deceptions, tromperies &
fables, & autres inventions diaboliques, quelles
veritez qui sachent dire voyant que ne se
[E 4 r]
disent ny par raison, ny par aucune vraye science
que ce soit, ains plustost par quelques superstitions,
sortileges, qui ne doyvent aucunement estre
endurez je t'ay bien volu advertit [sic : advertir] par ce present.
Et quant je considere l'opinion que l'on a de
l'astrologie me vien[t] en memoire ce que le prophete
Hieremias a dit, Comment c'est obscursi l'or, &
a changé sa tresbelle coleur, & la vraye sience a
esté en contumelie {injure, outrage}, & opprobe, par tes redicules
presages, & par tes folles fables, & mesonges :
voulant faire entandre la fauceté par verité, &
avec ce tu parles assuré comme un brigand (s'il est
permis ainsi parler) mesmes en ce passage que je te
voys dire entre un million d'autres, tu dis que devers
la court royalle se traitera une aliance, partie
d'estrangiers partie des siens, que veritablement
sortant en son plein effect s'ensuivra une juste guerre
d'un grand bien, & prions tous Dieu que se puisse
acomplir le vintuniesme, de novembre 1557. *
{* Présages pour 1557, f. F8r}
Trompeur abuseur que tu es, tu as dit que se feroit
veritablement, & puis à ta façon acostumée tu
fais tes prieres : Tout incontinant apres tu dis que
le dernier quatier [sic] sera chaut avec brouillartz &
gelée, inconstant, nege, pluye vens, temps muable, *
{* même texte, f. F8v}
& toutz tes badinages, tu ne falliras pas que
ne face ou l'un ou l'autre. Au moys de febvrier
1556 tu dis la nouvelle lune le 10 en aquarius **
[E 4 v]
regarde ignorant le soleil est en pisces, & la lune seroit
en aquarius ? certes si un charetier sachant lire
vouloit faire des almanachz, il ne feroit tant de fautes
que tu y faictz, mesmes tu dis saturne regardant
d'un sextil aspect le lyon ** : saturne est en aries, & tu
{** probablement dans l'Almanach pour 1556, déjà mentionné}
veux qui [qu'il] regarde leo d'un sextil. Certes d'autant
plus je regarde tes reveryes d'autant plus je te cognoys
effronté & ignorant, tu dis pource que la raison
humaine ne peut penetrer jusques au ciel, par
les antiques tables des revolutions, Et par quelques
autres segretz nous venons à penetrer jusques à cela,
Mais je n'ose du tout expliquer, ce qu'infalliblement
doibt advenir. * Tu veux faire entandre que tu tiens
{* extrait du même almanach ?}
plus de la divinité que les autres hommes, à cause que tu
es prophete, ou que tu as deux espritz pour estre plus que
les autres, & cela sont tes segretz qui te font penetrer
jusques au ciel, & dis qu'il adviendra infalliblement.
Davantage tu dis les maladyes seront assopies
& seront mal de costé, toux asinatiques, coliques,
distillations, commencement de catarres, flux de ventre,
hèticques, hydropisies, * & je te demande, ne sont
{* extrait du même almanach ?}
elles pas bien assoupies ? s'il en y ha tant & toutes celles
que tu racontes ? Aussi toutes les années tu dis
que tu te doubtes de la fin de se [sic] siecle il est bien
vray qu'il s'aproche, Mais de puis que tu dis que
tu as fait tes propheties jusques à l'an 3797, * & que
{* Prophéties, préface à César, 26 ; déjà mentionné}
tu es inspiré de Dieu, pourquoy doubtes tu maintenant ?
[F 1 r]
car en sommes encores si loin. Aussi tu dis
que tu ne peux faillir ny errer. * Or avant que te laisser,
{* Prophéties, préface à César, 25 : "Possum non errare, falli, decipi" }
non point pour veau, * qu'est une trop petite beste :
{* Présages pour 1557, f. G2r : "laissons un tas de
videlas pour veaux" écrit Nostradamus en jouant
sur le patronyme de Videl ; cf. CN 76}
Mais bien pour un grand boeuf ou elephant
la plus grosse beste, je t'avise que j'ay fort bien regardé
la revolution de ceste lune du 20 de novembre
1557 à 15 heures apres midi, semblablement la
retrogradation de mercure septentrional ascendant
au signe de sagittaire, la lune se conjoingnant
à luy, & apres venus se venant conjoindre à Iuppiter
au signe de capricorne, la lune se conjoignant avec
ledit venus, le quart aspect de mars à saturne, la
conjonction de mercure au soleil & plusieurs autres
aspectz durant ce present moys de novembre,
Et quant aux nouvelletez : je n'ay trouvé une
laquelle tu n'as sceu cognoistre en toutes tes
astuces, elle sera nouvelle à toy & non aux doctes,
C'est que je te declaire & fais à savoir que tu es un
ignorant, fol eservelé, lunatique resveur, fuyant
les hommes, sinon pour en tirer quelque proufitz
n'ayant autre amy que ton vilain gaing. Aussi
avoys je oublyé te dire que tu es un grand cabaliste
à cause que tu scays assez mal entandre
le methatesis, comme quant tu dis en tes almanachz
le grand chyren, pour dire henry, il n'y
{* par exemple dans l'Almanach pour 1556 : cf. CN 35}
falloit point de C ny pour le methatesis, ny pour
orchema, au moins si tu vouloys parler françoys.
[F 1 v]
Mais tu me diras que c'est le langage maternel de
ton pays, que pour henry ils disent henryc * j'en suis
{* et du latin Henricus}
contant & te donne gaigné. Ie panse que la frayeur
que tu euz en faisant ton calcul feust le genius
qui te vouloit inspirer, qu'on te respondroit
à ton impudence : Avant faire fin à la presante
je te prye avant que tu escrives une autre foys
ny almanach ny pronostication, estudier les principes
d'astrologie, car je voy bien qu'en tes oeuvres
de l'an 1558 * tu ne t'es encores adverty de tes ignorances,
{* Présages, Almanach et Pronostication : cf. CN 58}
& si je les te vouloys reprandre, il faudroit
recommencer de nouveau, mais je ne te suis si ennemy
que tu m'estimoys, & graces à Dieu je ne te
porte envye d'aucune chose que ce soit, & ne te calumnye
aucunement, ne t'ay calumnié, & ne prens aucun
plaisir à medire de personne, ainsi que scavent bien
tous ceux qui ont ma cognoissance, Et quant le ne
mettroys jamais almanach en lumiere il ne me
facheroit en rien : voyant qu'il y ha beaucoup d'abus
& folies escriptes par les arabes, de peu d'efficasse
& utilté, Et je conseille à tous ceux qui voudront
predire ne si [s'y] amuser, ains ensuivre plustost Ptolomée
qu'est bon autheur. Et par ainsi ilz ne passeront
les limites d'astrologie. Or s'il te semble
qu'en te respondant j'aye esté trop rude il faut
que tu saches que s'il t'avient jamais de parler
de moy, comme tu as fait, tu cognoistras que ce
[F 2 r]
que j'ay fait à present, n'ha esté que la fueille
de la rose qui t'apoint : & que si à la fin tu la veux
retourner cuillir, tu sentiras l'espine qui te poindra
jusques à la moelle. d'Avignon ce jour que tu
me menassoys de beaucoup de maux, qu'est le
xxj novembre 1557.
{* cf. "Les trois calomniateurs de Nostradamus", CN 76}
Fin des abus tromperies & ignorances de
Michel nostramus, de Salon de craux.
ERRATA {7 corrections}
Imprimé de l'authorité & permission de
Monsieur le Vicaire general d'Avignon
[F 2 v]
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Bibliographie
Retour Nostradamica
Accueil CURA
Patrice Guinard: Ressentiment d'un astrologue envieux :
Les ragots de Laurent Videl sur Nostradamus (1558)
http://cura.free.fr/dico6advpl/1105vido.html
14-05-2011 ; updated 04-10-2018
© 2011-2018 Patrice Guinard