CORPUS NOSTRADAMUS 118 -- par Patrice Guinard

Les éditions marseillaises Claude Garcin datées de 1643
 

J-T Bory salue le typographe Claude Garcin pour avoir rétabli l'imprimerie à Marseille après une cinquantaine d'années d'inexistence (1596-1640). En 1641, Garcin installe son atelier à la Loge sous l'enseigne du "Nom de Jesus", et y fait imprimer en juillet 1642 une Histoire de Marseille in-folio. La commune reconnaissante lui alloue alors une pension annuelle de cent livres, afin de ne pas risquer de perdre ce précieux pionnier (cf. Jacques-Thomas Bory, "Les origines de l'imprimerie à Marseille", in Revue de Marseille, 3, 1857, pp.36-47). Cette pension lui sera retirée le 18 mars 1666 (Bory, pp.179-180). Six mois plus tard, Garcin s'associe avec son gendre Henri Martel, imprimeur à Béziers (Acte des Archives de l'Hérault : 2E 14/236, ff.511-513, minutes de maître Pierre Arman, notaire à Béziers, 16 septembre 1666).
 


 

Garcin continuera son exercice jusqu'en 1689, année où Martel reprendra son atelier (Bory, p.47). L'un des derniers ouvrages imprimés par Garcin est un traité d'arithmétique et d'algèbre de Jean Taulane, le Tresor d'arithmetique des marchands et des geometres (permission d'imprimer datée du 17 juin 1689). Garcin, "Imprimeur du Roy, du Clergé & de la Ville" au titre, l'imprime sous son enseigne "Au Nom de Jesus" (copie Google).

Bory ne mentionne pas les deux éditions des Prophéties publiées par Garcin à ses débuts, dont la principale caractéristique, par rapport à toutes les éditions précédentes, est de ne pas reproduire les épîtres introduisant les centuries.
 

118A Les Propheties de M. Michel Nostradamus. Prinses sur la copie imprimee à Lyon, par Benoist Rigaud. 1568.
Marseille, Chez Claude Garcin (Imprimeur de la Ville : à la Loge), 1643, in-8, 84 ff.

° BM Marseille: Rés 14206

→ Ruzo, n.59, p.365
→ Chomarat, n.192, p.109
→ Benazra, n.47, p.195


Cette édition contient les 942 quatrains des centuries I à X et les quatrains "VII 43" (licorne) et "VII 44" (bour bon) des éditions lyonnaises de 1627 (pagination continue pour les deux livres). La vignette au titre a été regravée à partir de celle de ces éditions de 1627 (cf. CN 108).
 

bois gravé des éditions lyonnaises de 1627   bois gravé des éditions marseillaises de 1643
 

118B Les Propheties de M. Michel Nostradamus Provençal. Prinses sur la copie imprimée à Lyon, par Benoist Rigaud. 1568.
Marseille, Par Claude Garcin (Imprimeur du Roy & de la Ville), "1643" [1649 ?], in-8, 4 + 84 + 8 ff.

° BM Périgord, Toulouse: Rés D XVII 288 (98 × 143 mm)
° BM Avignon:  8° 24899
° BM Marseille: Rés 14218 ? (vér)
° BM Haguenau: GB 1091
° BC Augusta, Perugia: I N 4095 (100 × 145 mm)
° B Casanatense, Roma: kk.XXIII.31
° Harvard University Library: Houghton Collection *FC5 N8425P 1643
° exemplaire Ruzo: 880 (100 × 145 mm) → CAT Ruzo-Swann, Avril 2007, n.40 → Maison Nostradamus à Salon

→ Bareste, 1840, p.262
→ CAT Millet, Paris, 1872, n.149
→ Leoni, 1961, n.24, p.85 (cite l'exemplaire d'Harvard)
→ Ruzo, n.60, p.365
→ Chomarat, n.191, p.109 (confus)
→ Benazra, n.48, p.196
→ CAT Ruzo-Swann, Avril 2007, n.40 (vendu 780$)

 

   
 

Composition de cette édition (pagination continue) :

(I)  - f. A1r : frontispice (vignette)
      - f. A1v : blanc
      - 3 ff. n. p. (A2-A4) :  avertissement de l'imprimeur + vignette B
      - ff. A2r-H2v (pp.3-116) : centuries I-VII (642 quatrains) + quatrains additionnels "VII 43" (licorne) et "VII 44" (bour bon)
      - ff. H2v-L4v : centuries VIII à X (300 quatrains)
      - ff. M1r-M7r : "centurie XI" (51 sizains seulement ; manquent les sizains 12, 16, 19, 24, 25, 54 et 55 des éditions précédentes)
      - ff. M7r-M8v (p.184) : "centuries XII et XIII" (13 quatrains, soit 12 des 13 quatrains de Chavigny, sans le quatrain XII 56, Roy contre Roy, mais avec le quatrain du "fourcheux") + vignette B

(A noter que M. Chomarat confond quatrains et sizains : "51 quatrains de la XI° Centurie" (p.109 !) ; et déjà dans sa bibliographie de 1976, à propos de l'édition
troyenne datée de 1605 : "le quatrain chiffré I contient un vers de plus ..." (p.7 !) -- il s'agit d'un sizain qui contient 6 vers comme tous les suivants ! ...)

Dans son avertissement de "L'Imprimeur Au Lecteur", Garcin prévient qu'il n'imprime que les Prophéties de Michel Nostradamus père, d'après les éditions de 1568. Ce qui est inexact, puisqu'il s'appuie sur les éditions lyonnaises de 1627 (vignette similaire au frontispice et contenu semblable à l'exception des préfaces non retenues, de la préface "Sève" et de quelques sizains exclus). Les quatrains des centuries "XI" et "XII" du Janus de Chavigny, ont été renumérotés et recyclés dans de supposées centuries "XII" et "XIII" ! L'imprimeur spécifie qu'on a "imposé au fils de ce Grand Astronome [sic], la composition de quelques Propheties, qu'il n'a jamais faites" (f. A2v). Ce "fils" est l'usurpateur Mi. de Nostradamus le jeune, qui pourrait être l'auteur du dernier quatrain de cette édition ! En revanche on ne connaît aucune autre pièce versifiée introduite dans les Prophéties et dont ce pseudo-Nostradamus serait l'auteur, mais seulement une version du Recueil des Prophéties et Révelations réunie aux Prophéties à partir des éditions Chevillot.

On peut douter de la date d'impression mentionnée au titre de cette seconde édition. En 1643, Garcin est effectivement le seul imprimeur de la ville de Marseille, et il débute dans son exercice. Il n'est probablement pas encore "imprimeur du roi". Ce titre lui aura été attribué au plus tôt pendant la Fronde (1648-1653). En 1651, il publie sous cette qualité un ouvrage du Père Charles Du Faur : le Discours panégyrique sur la vie, mort et miracles de Mgr Jean-Baptiste Gault, évêque de Marseille. Cette seconde édition Garcin des Prophéties pourrait avoir été imprimée en 1649 au moment de l'intensification des mazarinades et à l'apogée de la lutte éditoriale entre les imprimeurs lyonnais et troyens pour le contrôle du contenu des Prophéties. En rajoutant, pour cette édition plus tardive, quelques pièces controuvées à son édition de 1543, Garcin entend ne pas rester en reste dans la surenchère à l'amplification du corpus pseudo-nostradamique au détriment des oeuvres authentiques du provençal. En 2009, soit 360 ans après, on en est toujours au point mort, et aucune édition fiable des Prophéties n'a encore vu le jour (cf. CN 94).
 

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Patrice Guinard: Les éditions marseillaises Claude Garcin datées de 1643
http://cura.free.fr/dico2pro/911garce.html
28-11-2009 ; updated 11-09-2019
© 2009-2019 Patrice Guinard