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La Vie du C.U.R.A.: Éditorial du 22 novembre 2000

    Plus de 25.000 visiteurs en un an. C'est peu, comparativement à certains sites commerciaux, "horoscopiques" et sponsorisés. C'est convenable, relativement à la qualité des textes et des auteurs, à l'effort d'attention demandée aux lecteurs. Actuellement le C.U.R.A. attire, en milieu de semaine, quelques 150 visiteurs journaliers, dont 25% de français. Il n'est pas improbable que le site soit à l'avenir définitivement rattaché à un département de recherche universitaire. Le pourcentage de lecteurs d'origine universitaire s'accroît d'ailleurs sensiblement et régulièrement.

    Depuis un an, près de 1600 courriers ont été adressés au C.U.R.A. ou directement à moi-même. J'ai renoncé depuis quelque temps, devant cette affluence, à répondre à tous, notamment aux demandes brutes d'information. Les messages de soutien au C.U.R.A. ont été nombreux, et ce, dès son ouverture. Contrairement à ce que j'imaginais a priori, les courriers hostiles ou déplaisants ont été fort rares, quatre ou cinq seulement: celui d'un sceptique; un autre, pas bien méchant, d'une conditionaliste; celui d'une personne vexée de voir son article refusé; un autre commandité à un pisse-copie par l'animatrice d'un forum de discussion, dont j'avais osé critiquer le laxisme.

    Si j'ai pris la décision en février 1999 de fonder le site du C.U.R.A. et de rendre disponible la totalité de ma thèse de doctorat, dans une version améliorée, ce n'est pas pour créer une école ou une association supplémentaire, mais pour être lu, rien de plus. Je n'aime généralement pas parler de moi, surtout depuis que je fréquente des astrologues! Ces quelques observations sont d'abord destinées aux lecteurs du C.U.R.A., et j'ai la faiblesse de croire qu'elles pourront avoir une portée plus générale. Mes déboires avec les maisons d'édition ont été insurmontables entre 1993 et 1999. D'un côté la prétention, l'ignorance, et l'ironie académiques concernant l'astrologie; de l'autre la vénalité, et l'idiotie tout simplement, des responsables des maisons d'éditions spécialisées dans ce que j'ai appelé l'ersatz d'astrologie. Car il est patent que la qualité éditoriale, dans le domaine de l'astrologie, est en fort déclin depuis une trentaine d'années. La raison en est que des personnes incompétentes ont été parachutées à la tête des maisons d'édition par des individus qui n'ont probablement pour seul dessein que de donner de l'astrologie une image dérisoire. Les quelques rares chercheurs français n'ont, à ma connaissance, jamais été contactés pour s'occuper d'une collection astrologique de haut niveau. Et sur la place publique, on trouve une diarrhée d'ouvrages de vulgarisation stérile, et des pots-pourris de recettes insipides.

    Combien d'associations inutiles sont créées, n'ayant d'autre portée que d'occuper une place dans le concert de l'insignifiance et du brouhaha généralisés? Combien de regroupements et rassemblements stériles qui ne sont que de simples leurres, destinés à piéger le badaud? Combien de revues ne naissent que dans le dessein de faire vivre quelques esprits égarés d'une activité qui n'est pas une véritable recherche, mais le remède supputé à leurs propres problèmes existentiels? Combien de sites et de forums de discussion qui ne sont que le symptôme de l'impuissance des astrologues et des sympatisants à engager une véritable recherche motivée et féconde? Lieux d'échange de croyances, de transmission d'erreurs, de communication de poncifs. On babille, on pavoise, on se rassure, mais on ne travaille pas. On ne fait rien : on cherche à se faire payer et à berner le pingouin.

    Les grands éditeurs se sont rassemblés en trusts et soumis aux impératifs idéologiques. Les astrologues en revanche se sont regroupés en petites chapelles sans envergure, répondant à leur exclusion par des diktats puérils concernant ce que devrait être l'astrologie et la "consultation". J'ai souffert des uns comme des autres depuis plus de dix ans, mais je n'en veux à personne, considérant que l'attitude défensive et la cécité des derniers répond, à sa manière, au terrorisme mercantile des premiers.

    Pourtant, depuis l'existence du C.U.R.A., une dizaine d'articles, repris de mes textes disponibles sur le site, ont été publiés dans des revues françaises et étrangères, ce qui tend à infirmer la frilosité des responsables éditoriaux, parmi ceux qui étaient le mieux disposés à mon égard. Le lecteur doit savoir, et notamment parmi ceux qui n'identifient pas la recherche au commerce astrologique de grande surface et à la banalisation psycho-horoscopique, que l'astrologie française, comme d'autres, mais peut-être davantage encore, est contrôlée par de petits clans rivaux, écoles, associations et cliques d'intérêt, capables d'ailleurs de pactiser en cas de nécessité. Les astrologues qui ont jusqu'ici accepté de participer au C.U.R.A., à l'exception de deux ou trois, n'appartiennent pas à ces gangs à clientèle ciblée, et sont des astrologues indépendants. Les chercheurs n'ont pas la possibilité de faire connaître leurs résultats, dès lors qu'ils ne rampent pas devant les petits chefs de ces chapelles, véritables parasites de l'astrologie. Certes, je conçois que la recherche, de quelque nature qu'elle soit, ne soit pas toute "l'astrologie", mais il est pour moi inconcevable qu'elle ne puisse trouver sa place.

    La responsable d'un site commercial m'avait proposé, avant l'inauguration du C.U.R.A., d'acheter l'exclusivité de mon Manifeste sur Internet, et de le laisser moisir à l'ombre de ses rubriques insipides. Je me moque de l'argent, et je m'étonne toujours de ces personnes qui m'ont jusqu'ici refusé leur concours, avec le souci d'être rétribué d'une part, et l'ambition en outre de passer au premier plan. Ce me semble là, surtout dans le domaine de "l'astrologie", deux objectifs contradictoires. En outre l'astrologue-barbouilleur d'interprétations ignore la contradiction qui existe entre les aspirations intrinsèques de l'astrologie, et le discours utilitariste et vénal qui prolifère dans les voies balisées de l'idéologie unique, moderne et post-moderne.

    L'astrologue veut être respecté, estime que sa formation est suffisante, et que ses croyances n'ont pas à passer par l'épreuve de la culture moderne. Son activité s'apparente ni plus ni moins au spectacle, et il est légitime, en ce sens, que de petites vedettes médiatiques, jalousées par l'astrologue laborieux de cabinet, passent aux yeux du public profane, comme les représentants de la profession. Il y a des médecins qui soignent des malades, parce qu'il existe une recherche médicale dont ils sont les premiers bénéficiaires. Il ne saurait y avoir d'astrologues-consultants s'il n'existe pas de véritables centres de recherche astrologique auxquels ils pourraient se ressourcer.

    S'il s'agit de travailler, d'entreprendre une tâche utile, de traduire ou de transcrire un texte ancien, ou juste de confronter ses croyances à la réalité historique, les candidats deviennent très rares. Tout se passe comme si l'astrologue savait déjà : comme si le simple sentiment, souvent illusoire, de posséder les débris d'un savoir que d'autres ignorent ou ne peuvent concevoir, le dispensait définitivement du travail de recherche. Autrement dit l'astrologue se satisfait d'une sorte de prescience qui l'exempte de tout travail intellectuel au sein de la communauté culturelle. Paradoxalement, il espère intégrer quand même cette communauté, ne serait-ce qu'au niveau de la consultation et de la thérapie, plutôt que d'interroger les raisons qui font qu'il soit devenu une sorte de paria pour les élites intellectuelles. Le discours laxiste et opportuniste du praticien cherche à convaincre une clientèle, plus qu'à se confronter à l'idéologie qui le marginalise.

    L'astrologue doit-il vendre des horoscopes ou trouver sa place dans la recherche? Souhaite-t-il véritablement que l'astrologie entre à l'université, ou préfère-t-il juste la courtiser? Enfin la question de l'astrologie doit-elle rester une petite activité privée, entre "l'astrologue et son client", ou doit-elle être débattue sur la scène publique?

    La recherche astrologique consiste à interroger le passé, à confronter les différents systèmes et hypothèses, à analyser les contradictions internes des théories existantes, à se débarrasser du lamentable "ça marche" de l'empirisme béat, à réfléchir sur le fait astrologique, à trouver les points d'accord avec les connaissances issues d'autres disciplines, à rechercher un modèle qui soit compatible avec une certaine vraisemblance physique et biologique. C'est quand il y aura plus de chercheurs et moins d' "astrologues" que sonnera l'heure de l'astrologie. Certains praticiens pressentent que si l'astrologie devait un jour accéder à une certaine reconnaissance d'ordre culturel, beaucoup n'y trouveraient pas leur place. Je suis d'ailleurs persuadé qu'elle pourra parvenir à certaines prérogatives d'ordre cognitif quand nombre des prétendus astrologues auront quitté le terrain. Et je crois même que cette entrée de l'astrologie au sein de l'académie est très proche, qu'il suffirait que quelques intellectuels influents prennent position en sa faveur pour que les autres suivent. Car tout milieu socio-professionnel est constitué de la même proportion, fort grande, d'esprits serviles. L'idée est simple: les raisons sur lesquelles repose l'exclusion de l'astrologie au sein de l'université ne sont que des préjugés idéologiques et frivoles. Le système du monde moderne, et son idéologie à trois têtes (le Marché, la Démocratie, la Science), sont voués à la déliquescence. Que l'histoire de l'astrologie, par exemple, ne puisse figurer dans les programmes d'enseignement et de recherche, en dit long sur les capacités de falsification de la vérité historique d'une culture qui pourtant se considère, quoiqu'en disent certains analystes, au faîte de l'objectivité et de la rationalité.

Patrice Guinard - Paris, 22-11-2000.



Référence de la page :
Patrice Guinard: La Vie du C.U.R.A. (Éditorial 22-11-2000)
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